30 avril 2007

Majesty Crush : Fan EP


Fan EP de Majesty Crush

Sortie : 1992
Produit par Mike E Clark et Dave Fenny
Label : Dali


Dès leur premier single, Majesty Crush frappe un grand coup. D’une part parce que leur musique se place directement à l’opposé du son made in US, au risque de se saborder eux-mêmes, et d’autre part en livrant des singles dont les sujets choqueront le microcosme de Detroit comme un pied de nez absolument jouissif, porté à la bienséance américaine.
Bien que l’apparence douceur et onirisme des chansons peuvent charmer l’auditeur, celui-ci se révèle vite ulcéré, voire fasciné selon le degré de perversité de celui-ci, par les textes, portant sur la filature et la persécution (« N°1 fan »), la prostitution (le relaxant « Sunny Pie »), et l’héroïne (« Horse »).
Malgré un son brouillon peu enclin à donner l’étendu de la magnificence des morceaux, on retrouve dès ce maxi, ce qui fera le charme des productions suivantes. Une sensibilité particulièrement originale se dégage de l’ambiance générale, distillant tout du long une poésie moderne, sombre, intelligente comme mordante et cynique. Bien que les guitares de Michael Segal, qui se contentent de draper le tout d’un nuage de saturations très légères et presque fondantes, et le chant de David Stroughter, tout en souffle et respiration amplifiée de manière presque lyrique, montrent très clairement l’obédience shoegaze qu’a choisit le groupe, à ses risques et périls, on dénote tout de même une dynamique proche de la pop américaine, notamment au regard de la section rythmique, composée de O’dell Nails III et Hobey Echlin, qui apporte un cachet groovy et intense aux chansons.
Ce qui rend Majesty Crush si unique, si attachant, c'est ce décalage qu'on va retrouver partout, ce côté borderline, prêt à surgir. David Stroughter n'a sans doute pas toute sa raison. On le devine dans sa façon de chanter, qui systématiquement va s'appuyer sur un souffle érotique, comme s'il sortait d'une nuit passée en compagnie d'une ou plusieurs groupies, ce qui était probablement le cas. L'exagération est de mise, conférant beaucoup de chaleur, d'intimité aux morceaux, de rondeurs et de galbes. La basse de "Penny for love" est à l'origine de la légereté du morceau, sur laquelle pourront venir se greffer des guitares aériennes ou des chants enflammés. Sur "Worri", c'est un brouillage de saturations qui ouvre ce titre, presque ambient, très chaloupé, et qui va le traverser au grès des humeurs, câline ou tempétueuse.
L’ensemble sonne autant délicat que puissant, et reflète assez bien la caractéristique du groupe, jouant des nuances, et des impressions qu’elle peut laisser, surfant ainsi avec autant de facilité sur la sphère romantique, que sur la sphère provocatrice. Démarrant doucement, "Horse" accueille un éclat langoureux, qui se laisse aller, s'épanche presque de manière impudique, et soulève jusqu'à un déluge de guitares qui fera tourner les têtes.
C’est ce refus de trancher, et ce second degré irrésistible, qui rendra sa musique si splendidement particulière.

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