30 mai 2007

Medicine : Her Highness


Her Highness de Medicine

Coup de coeur !
Sortie : 1995Produit par Brad Liner
Label : American Records

De la plus profonde mélancolie peut jaillir une incroyable beauté. Cet album, atteint par le spleen et l’auto-apitoiement, dégage pourtant une sorte de chaleur flegmatique, qui touche et émeut toute personne un tant soit peu sensible. 
Dès « All Good Thing », on perçoit que le climat se fait grave, un peu désabusé et contemplatif. Après un bouillonnement robotisé et des distorsions sous une basse profonde, découle le chant altier de Beth Thompson, passionnée et apprêtée comme jamais, déversant une langueur de la plus grande majesté, sublimé par ces distorsions en arrière. Rarement on aura réussi à marier une telle rigueur dans le son, écrabouillé, mixé, tordu jusqu’à être biscornu, et une telle pudeur dans les émotions. Comme une éponge du mal être de ces auteurs, ce dernier album avant la séparation du groupe ralenti clairement le tempo et se fait plus langoureux. Les faiblesses se font jour derrière cette surcharge sonore, au travers des textes encore plus désabusés, voire défaitistes, d’une grande finesse, et au travers des chants soufflés n’hésitant pas à jouer de la langueur. Bien que marqué par ces interruptions sauvages qui concassent tout, « I feel nothing at all », sa rythmique de caisses lourdes et ses échos répétées à tendance arabisantes, fait état d’un détachement splendide, les deux voix, de Beth Thompson et de Brad Laner se complètent harmoniquement, dans la douceur et la légèreté, s’élevant dans le sublime à coup d’incantations.    
Avec une tonalité plus lisse et un rendu soigné, la formation californienne se fait davantage entendre et rend accessible toute sa sensibilité, marquée, névrosée et rêveuse. « Father Down » semble faire état d’un apaisement détaché, gorgé d’un chant caressant, auquel on s’identifie immédiatement, tandis que les guitares tissent des riffs indépendamment, avant que le ton ne se crispe, que l’angoisse sourde repointe le bout de son nez et que la chanson ne se termine dans un maelstrom tendu. Ces rythmiques étranges et ces saturations apparaissent pourtant comme des évidences. On est envouté par ces mélodies douces-amères, véritables délices. Le son de Medicine est maîtrisé à la perfection, contenu, dompté, ce qui aboutit à une grande lisibilité. Une fois les guitares abaissées d’un ton, c’est une mirifique beauté triste qui se met à nu, parfois dans la plus grande pudeur, comme en témoigne « Seen the light alone », poignant de tristesse, où Brad Laner livre une complainte déchirante, accompagné d’une seule guitare sèche, de sa voix légère tremblotante et de violons. 
Il a fallu attendre que le shoegaze soit passé de mode pour que Medicine se livre véritablement. Sur l’étonnant et adorable « Candy Candy », l'atmosphère prend même l'apparence d'une petite chanson pop gentillette, mais au tempo laconique et dont les guitares se déchirent dans le lointain comme si elles gémissaient, entre séduction onirique et comptine planante, au cours de laquelle le chant angélique de Beth Thompson paraît sans cesse être sur le fil. Le groupe dévoile qu’il est en proie au doute, d’une grande fragilité mais aussi d’un sens de la poésie unique et sincère. Cette gravitée solennelle mélangée à ce vent de fraîcheur au niveau des guitares et de leur traitement est un ravissement esthétique (le sublime « Wash me out »). Les sensations seront symptomatiques : cœur qui s’étreint, tête qui tourne devant l’émerveillement, chair de poule. Medicine est au sommet, au même moment qu’il est prêt à décliner. Malgré la lourdeur oppressante, le festival martial de saturations, rythmiques maintenues avec aplomb, distorsions et violons, on perçoit dans « Aarhus » une prise de hauteur surprenante, sublimée par ce duo de voix féminine / masculine, ambigüe dans la féérie. Medicine, avec un calme admirable, dresse un état des lieux massacré mais d’un charme indéniable.
Avec le transcendantal « Heads », le groupe donne sa conclusion : synthétique, tribal, méditatif, très long, invariable, dont on entend à peine les chants sans paroles mais soufflée comme s’ils venaient d’un autre monde, achevé par une déferlante de saturations et l’irruption d’une distorsion enivrante reprise mille fois, on sent bien ici que les membres ne sont plus vraiment là. Reste à leur place le pouvoir suggestif de leurs guitares… 

Swervedriver : 99th dream


99th dream de SwervedriverSortie : 1997
Produit par Alan Moulder
Label : Zero Records


Sur ce dernier album se confirme la tendance pop du groupe, avec cette fois-ci plus de simplicité et de finesse. Un opus marqué par les déboires où scintillent pourtant dix chansons, pures et cristallines, dont certaines dépassent les six minutes dans un grand élan psychédélique et rêveur. Le bruit a cédé la place à la douceur et à la saturation contrôlée. Au gré de l'album, on est transporté d'ébahissement devant ces envolées majestueuses. Les mélodies sont tout bonnement incroyables, comme avec le psychédélique « 99th Dream », le jubilatoire et puissant « Wrong Treats », entrecoupé d’une délicate intervention à la guitare sèche, avant de se terminer tout en douceur, ou bien « She weaves a tender trap » et son intro annonçant un thème enchanteur, qui prendra plus d’ampleur au cours du refrain, poignant. L’album entier est une ode à l’évasion, une évasion vers un univers plus lumineux.
Si les saturations et autres distorsions ne sont pas oubliés, c’est pour livrer des morceaux d’une grande splendeur, qui n’hésitent pas à s’offrir des respirations (« You’ve sealed my fate » ou « Expressway »).
Les guitares sont utilisées ici pour devenir le support à un trip tranquille, évanescent et presque féérique, ou alors en ayant le souvenir de contrées merveilleuses traversées les cheveux au vent et les yeux pleins de rêves. Les mélodies sont jubilatoires (« Up from the sea »), n’hésitent pas à faire appel aux instrumentaux de guitares, aux tambourins, s’étendent et se répètent (l’envoûtant « Electric 77 » ou « In my time ») en de longues plages qui finissent par ressembler à de véritables pistes de décollages. Difficile d’ailleurs de se remettre d’une pareille écoute, le réveil après le long « Behind the scenes of the sounds & the times » est dur : on a l’impression d’être allé si loin !
Pas la moindre trace de fléchissement sur cet album intense et trippant, juste de purs moments de bonheurs pop, le groupe laissant entrer plus de lumière dans leur mille-feuille de guitares.


26 mai 2007

Fiche artiste de The Belltower


The Belltower


Jodie Porter le sait depuis sa plus tendre enfance : il est né au mauvais endroit, au mauvais moment. Natif de la petite bourgade de Charleston au sud de l’Arizona, il fut pourtant très tôt attiré par l’Angleterre. Son père, fan des Pretty Things et des Yardbirds, lui achète à six ans, une Fender Mustang. Jodie n’a alors plus qu’une obsession : écrire des chansons comme seuls les anglais savent le faire, obsédé par des titres comme « Tomorrow nerver knows » des Beatles.
Alors qu’il vient s’installer à New-York, après deux ans à l’Université, il forme le groupe en compagnie de Nino Dmytryszyn à la batterie, Mark Browning à la basse, et surtout de Bretta Phillips, alors jeune chanteuse, qui avait auparavant joué dans un film et fait la doublure pour un dessin animé.
Mais son désir premier reprend le dessus, et il saisit l’opportunité pour partir découvrir l’Angleterre. La pari est osé : sans le sous, le groupe ne s’achètera qu’un billet aller !
Une fois sur place, le groupe s’installe à Londres, où le succès grandira pendant les trois années suivantes.
Deux premiers EP, marquant le style du groupe, très rêveur et lumineux, sortiront sur le label indépendant Ultimate, avant de signer avec Atlantic pour la parution de Popdropper, que Jodie aura quasiment écrit et produit seul. Acclamé par la critique, notamment le Melody Maker, qui n’hésitera pas à déclarer : « Si vous ne pouvez pas vous acheter le disque, trouvez un ami qui le peut et piquez-le lui. », l’album se fait remarquer, notamment grâce au single « Outshine the sun », qui se classe à la troisième position dans les charts indé. Cette notoriété leur ouvrira bien des portes : rencontrer John Entwistle ou bien faire des tournées qui les verra passer à Reading, à Paris ou Amsterdam.
Fort de ce succès, The Belltower décide de retourner aux Etats-Unis pour en recueillir les fruits. Mais l’Amérique, en plein boom grunge ne leur accorde aucun crédit. La désillusion est lourde et le groupe ne s’en remettra pas. Il se sépare en 1996.
Mais cela n’empêchera pas Jodie Porter de revenir sur le devant de la scène avec Astrojet, les merveilleux mais inconnus Ivy lors d’une modeste contribution et surtout les Fountains of Wayne, dont le succès ne sera finalement que la réparation d’une injustice.

The Belltower : Popdropper


Popdropper de The Belltower

Coup de coeur ! 

Sortie : 1992
Produit par Jodie Porter
Label : Eastwest Records (division of Atlantic)

Cet album très accessible est une excellente porte d'entrée pour qui voudrait s'initier au shoegaze.
Faussement langoureuses ("Grounded" et son ambiance étrangement transcendantale), voluptueusement sautillantes ("Soltice", qui rappelle presque l'époque flower-power), terriblement volatiles (le noir "Slipstream"), les chansons frolent la perfection en matière d'envolée onirique. Au détour d'une guitare séche, d'ambiance obscure ou de passages saturés, on saute, on est trainé, on voyage en diagonale. Les mélodies sont merveilleuses, la texture sonore est finnement travaillée, l'accrochage avec l'atmosphère fantasmagorique et candide du groupe se fait instantanément.
Un album de têtes en l'air, de doux lunatiques et de tendres déconnectés, qui savaient se servir de leur instrument pour peindre une toile suréaliste, scintillante mais au plus proche du bouillonement qui s'agitaient en eux. Une envie d'évasion ("One dimensional") à l'intérieur de ces éternels jeunes, de ces incompris qui préféraient fuir loin et effacer les traces derrière eux de leur pélégrination à grand renfort de saturations et de guitares raffinées (le splendide "Eyes on the time"). Une sorte de discours d'autistes, comme les élégiaques du mouvement shoegaze, plus préoccupés par leur musique que par l'effet qu'elle pouvait insinuer.
The Belltower était américain, même si le groupe fit de nombreux festivals européens au début des années 90, ce qui explique peut-être pourquoi la formation de Jodie Porter est resté anonyme. Ceci dit, Popdropper était considéré comme un des meilleurs disques de shoegaze, chargé d'émotions et d'intensité. C'est un bijou d'autant prenant qu'il est accessible. En tout cas la voix de Britta Phillips (qui jouera plus tard avec le groupe de Dean Warehman, Luna) marque les esprits!
Ensorcelant, reposant et évasif, le charme de cet opus s'élève au dessus du temps et reste donc une perle de pop cosmique, qui finalement gagne à rester secret...

20 mai 2007

Fiche artiste de Velocity Girl



Velocity Girl

"Les chansons rock sont dures, les chansons calmes sont molles, et nous, nous avons nos chansons qui sont ce qu'elles sont."
C'est par cette définition que le bassiste Kerry Riles résuma le mieux le son de Velocity Girl, et le shoegaze par extension.

Incongruité parmi le catalogue de Sub Pop, label célèbre pour être la maison-mère du mouvement grunge, a priori le strict opposé de la pop, retrouver Velocity Girl au sein de la structure de Seattle surprend, tant et si bien, qu'on finit par affubler le style du groupe, de l'étiquette, un brin moqueuse : "bubblegrunge". Pourtant ce choix n'est pas si étonnant lorsqu'on connait les connections avec K Records, le label de Calvin Jonhson ou bien l'amour sans borne de Kurt Cobain pour les filles des Vaselines ou de Shop Assistants.


Au départ, le groupe était constitué des quatre garçons, le chanteur/guitariste Archie Moore (également avec Black Tambourine), le bassiste Kelly Riles, le guitariste John Barnett, et le batteur Berny Grindel, rassemblés l'été 1988. Barnett quitte l'aventure dès le premier concert, et après avoir tourné sous forme de trio, la formation accepte volontiers la venue de la chanteuse Bridget Cross, l'année suivante. Ils choisissent donc de prendre comme nom le titre du ô combien single culte de Primal Scream, paru sur la compilation non moins culte, C-86.

Pionnier parmi les groupes d'indie pop US, Velocity Girl participera activement aux premiers pas de l'écurie Slumberland, avant de vite voler de ses propres ailes.

Le groupe fait paraître "Clock" sur une compilation, sort un premier EP, "I don't care if you go", mais se heurte déjà aux premiers problèmes : Grindell part, remplacé par Jim Spellman, de même pour Bridget Cross (on la verra plus tard avec Unrest ou Air Miami), remplacé par Sarah Shannon. Brian Melson, de feu Black Tambourine rejoint l'aventure. C'est avec cette mouture que le groupe perdurera jusqu'à sa séparation en 1996.

Avant ça, c'est le single "My Forgotten Favourite", qui à force de passer sur les ondes des college radio finira par leur ouvrir les portes de Sub Pop, enclin à diversifier sa musique après le pactole reçu grâce aux ventes de Nevermind.

Trois albums sortiront de plus en plus pop, faisant de Velocity Girl, une référence en matière d'indie rock.

Extrait vidéo :
Audrey's Eye

Velocity Girl : Copacetic


Copacetic de Velocity Girl

Sortie : 1993
Produit par Bob Weston
Label : Sub Pop

Au beau milieu du catalogue de Sub Pop se cache un tout petit groupe emmené par la malicieuse Sarah Shannon, vrai bout de chou dont on se demande ce qu'elle fait parmi tous ces voyous aux cheveux longs.
Incongruité poppy et colorée, le premier album de ce combo de Washington DC distille ces ambiances lumineuses, parfois un peu rêveuses et romantiques, le tout avec une bonnemie enfantine et capricieuse. L'intro à la guitare sèche de "Pretty Sister" (une de leur meilleure chanson), ouvrant les rayures étincellantes des guitares, est un pur régal du genre. Le ton général est assez codifié et reprend de grandes fulgurances en pagaille, très harmoniques et au goût de confiture ("57 Waltz" ou le single "Audrey's Eye"). Elles ont beau déborder d'un son énorme, puissant, les douces et gentilles chansons du groupe ne font de mal à personne, tant elles débordent de sucreries et de soleil ("Pop Loser"). Sur leur premier album, Sarah Shannon joue les filles candides et rafraîchissantes. Son chant innocent est un vrai bonheur pour les oreilles : du velours caressant ("A Chang", passé au mixer). Ce groupe culte mais absolument méconnu fascine par la simplicité de son jeu, transformant la pop en quelque chose d'enfantin, de rêveur et de naïf. Ça parle d'amour, de surprises et de pleins de bonnes choses à l'intérieur encore.

Fraîcheur, harmonies vocales, puissance, sensation délicieusement enivrante de flotter parmi des douceurs éthérées, mariant l'indie rock américain avec le shoegaze, Velocity Girl présente tous les atouts nécessaires à l'enchantement.
Seulement, comment le groupe aurait-il pu être remarqué, avec sa pochette si caractéristique du mouvement (visage flou, couleur diluée, nom du groupe en caractère d'imprimerie) et son look d'étudiant (polos, cheveux courts et lunettes, préfigurant Weezer), alors que le monde entier préférait une musique plus brute, plus directe, plus "noir et blanc", plus violente aussi ? Le label est désigné grungy, alors que "Copacetic" doit presque tout à la pop anglaise, style Darling Buds ou Talulah Gosh, tout en y intégrant quelques mouvements d'humeur, qui préfigurera ce que fera par la suite des filles comme Veruca Salt. Difficile donc de s'y reconnaître.
Mais ce petit joyaux dissimulé entre les gros cailloux resplendit encore plus d'éclat : il faut se jeter sur cet album, plein à raz bord de mélodies pop passées sous speed noisy.

9 mai 2007

Swirlies : Blonder Tongue Audio Baton


Blonder Tongue Audio Baton des Swirlies

Sortie : 1993
Produit par Swirlies et Rich Costey
Label : Taang !

Ce groupe n'aime pas les facilités. Il préfère expérimenter, ne pas se contenter des schémas éculés, casser les codes pour chercher de quoi se renouveler. C'est au milieu d'un chantier sans nom, à coup de fracas sonores, de fausses pistes et de revirements subits que les Swirlies iront débusquer des semblants de mélodies absolument irrésistibles.

Enfants naturels de My Bloody Valentine, comme tant d'autres à l'époque, mais aussi de Sonic Youth ou de l’esprit lo-fi qui commençait à poindre aux Etats-Unies (Cf : la pochette faite de collage rafistolé et de titres écrits au feutre), pour cette tendance compulsive à triturer le son et les guitares, la bande US sera aussi une des brebis galeuse du shoegazing, cherchant sans cesse à surprendre, à émerveiller dans des domaines où on ne l'attend pas, à tordre le cou aux instruments.

Le résultat est étonnant, parfois difficile. Samples expérimentaux, distorsions, section rythmique destructrice, voix angéliques et divines, dérapages harmoniques : tout est à la fois burlesque, psychédélique, novateur et attachant. A partir de saturations, d'empilements distordus d'instruments, de cassures incessantes de tempo, les Swirlies arrivent pourtant à faire de ce qui s'apparente à des chansons, de vrais perles d'indie-pop visionnaires et entraînantes.

Les musiciens se défoulent littéralement, prennent un malin plaisir à détruire ce qu'ils avaient commencés et flirtent avec le mauvais jeu en laissant leurs slides glisser vers la disharmonie. Au milieu de cet exutoire adolescent et nihiliste, Damon Tutujian et Seana Carmony chantent admirablement de façon aussi désintéressée que sublime, victimes consentantes de ce n'importe-quoi sonore.

La vitesse, les détours, les retours en arrière nous entraînent vers de nouvelles contrées, royaumes farfelus et délicats où règnent en maîtres les mélodies et la grâce. Au moyen d'un riff génial ou d'un refrain accrocheur, insérés par mégarde entre deux fantaisies expérimentales et noisy, on apprend à redécouvrir le sens de la mélodie, de la richesse musicale.

Un goût raffiné pour la pop et les surprises, se cache sous cet ovni. On ne peut le nier et c'est ce qui rend ce groupe si surprenant et sa musique sulfureuse et belle à la fois.

6 mai 2007

Swirlies : They spent their wild youthful days in the glittering world of the salons

They spent their wild youthful days in the glittering world of the salons de Swirlies

Sortie : 1995
Produit par Rich Costey
Label : Taang! Records

On avait laissé les Swirlies avec un excellent album complètement dingue, ils reviennent peut-être plus apaisé, plus construit, bon, dans la limite de leur capacité tout de même, on parle là de jeunes amoureux des distorsions !
Mais il n'empêche que la fougue est mise de côté, au profit d'une nonchalance, une certaine dérive. Les morceaux sont plus linéaires, pas obligatoirement plus faciles à saisir, au regard des éclairs saturées ou des incursions, en tout cas certainement plus calmes qu'avant, presque sérieux.
Est-ce du aux nombreux changement de personnels, Anthony DeLuca remplaçant Ben Drucket à la batterie et Seana Carmody ayant laissé sa place au micro à la délicieuse Christina Files ? Pas d'inquiétude, c'est bien le doux-dingue Damon Tutujian qui mène toujours la barque. C'est lui qui entraîne le groupe vers de nouveaux territoires. Si on garde le goût pour les harmonies vocales et la douceur du chant, Swirlies en profite pour signer des chansons chaloupées comme "Two girls kissing" ou s'inspirer de la torpeur saturée toute Bloodyniesque avec "In harmony new found freedom".
On pourra regretter l'énergie du précédent opus, on sent bien qu'ici le groupe se refrène, s'interdit de partir dans tous les sens, les passages saturées sont lourds et contrôlées. Mais on se délecte du travail fait sur le rythme, à la fois intellectuel et évanescent, entre la douceur minimaliste de "The vehicle is invisible", l'influence hip hop à la Beck de "Sterling Moss" ou encore la boucle répétitive façon kautrock de "Sounds of sebring". Faut-il y voir une influence de Kurt Heasley, leur comparse de Lilys, désireux lui aussi de se livrer à quelques expérimentations psychédéliques ?
Toujours est-il que le talent reste et c'est bien le principal. On peut alors continuer à savourer sur "San Cristobal" par exemple, de tels riffs pesants et agressifs, tandis que les voix féminines et masculines restent calmes et s'accordent à merveille.

4 mai 2007

Fiche artiste de Moose



Moose

On ne peut pas vraiment dire que ce groupe anglais ait eu beaucoup de chances.
Avant-gardiste, déjanté, un brin décalé, la bande à Kevin Mc Killop et Russel Yates, a souffert de ne rien faire comme les autres. Considéré comme une formation culte, leur oeuvre de pop fantasque, légèrement mélancolique, mérite amplement d'être redécouverte, ne serait-ce que pour découvrir un monde très personnel.

Extrait vidéo : Suzanne

Moose : Sonny and Sam



Sonny and Sam de Moose

Sortie : 1991

Produit par Guy Fixen

Label : Hut

La légende veut que le terme "shoegazer" (littéralement : "ceux qui regardent leur chaussure) fut employé la première fois par un journaliste pour se moquer de Russel Yates, qui passait son temps en concert à lire ses partitions sckotchées sur la scène !

C'est dire le mépris avec lequel on a regardé les premiers pas de ce groupe, balbutiant et encore frigide, se limitant dans les innovations et cachant leur timidité derrière beaucoup de bruits. Mais le son de Moose à ses débuts est surtout lié à un manque de moyen : les possibles arrangements tirant à étirer les propos vers l'abstraction seront remplacé par des saturations.

Ainsi, Sonny and Sam, qui est une compilation faite des trois premiers EPs du groupe, autorisée par le label Hut pour se faire de l'argent, reflète bien l'évolution d'une certaine conformité vers une liberté de plus en plus désirée.

C'est Emma du groupe Lush qui s'entiche du groupe, et leur permet de faire des concerts et de signer sur le label Hut, mais malgré quelques singles, la notoriété n'est pas à son comble, à l'inverse d'autres groupes, comme Ride ou The Verve, déjà sur les couvertures du NME, sans sortir la moindre chanson. Ils feront des concerts devant un milliers de personne, sans jamais dépasser ce nombre, confirmant leur statut de formation culte.

"Suzanne", leur premier single, deviendra vite la référence, morceau rempli de feedback, assez peu représentatif pourtant de ce que fera le groupe par la suite ! Car malgré un style assez conforme au départ ("Jack" ou "Ballad of Adam and Eve"), et une utilisation des guitares surexposée, Moose n'hésite pas à prendre des risques, ou du moins à faire valoir son désir de ne rien faire comme les autres.

Les titres sont tout de même assez molasson, voire paresseux, mais toujours tournés vers une part de rêve qui se cherche et se mérite, comme sur le magnifique "Do you remember ?", morceaux vaporeux étalé sur plus de huit minutes, et zébré de distortions lointaines.

S'échappant petit à petit des convenances, en faisant bien attention de ne pas remporter le moindre succès, Moose deviendra une des formations les plus estimés de la pop anglaise.

1 mai 2007

Fiche artiste de The Ecstasy of Saint Theresa


The Ecstasy of Saint Theresa

Groupe culte de la scène de République Tchèque, formé dès 1991 par Jan P Muchow. Une référence qui finira même par être reconnue par John Peel avant de s'orienter vers l'electro et le post-rock.
La formation des débuts shoegaze comprenait alors Irma Libowitz (chant), Jan Gregar (basse), Petr Wegner (batterie), et Jan Muchow (guitare, compositions) qui reste jusqu'à aujourd'hui le seul membre d'origine. Désormais, lui et son groupe, sont connus de toute la jeunesse du pays.

Extrait vidéo : Thorn In Y'r Grip

The Ecstasy of Saint Theresa : Sussurate


Sussurate de The Ecstsay of Saint Theresa

Indispensable !

Sortie : 1992
Produit par Ivo Heger
Label : Go ! Disc

Aussi surprenant que puisse paraître un groupe venu de Tchécoslovaquie s'adonnant à un genre éculé comme le shoegazing, Ecstasy Of Saint Theresa ne remplit pas moins toutes les conditions pour être considéré comme culte: un collectif de plusieurs membres, emmené par le sombre Jan Muchow et l'envoûtante Irna Libowitz, pratiquant une musique lourde, intense, dynamique et ultra-saturée.
Ça part dans tous les sens, souvent dans les brumes épaisses de saturations, et ça ne s'arrête pas. Les roulement de batterie vombrissent tandis que les guitares brouillées balancent des sons lumineux par vagues successives. Le chant, un coup féminin, un autre masculin, rappelle dans la solennité celui des duos de Slowdive, de Medicine, de My Bloody Valentine ou des Swirlies, également bi-sexuels, tout en étant largement plus en retrait, comme noyés derrière les effets multiples. Ces voix légères se laissent emporter par les nombreux loops, effets fuzz et rouleaux électriques, conférant une atmosphère de parfaites pop-song à ses brûlots psychédéliques.
Car à l'origine du shoegazing, il ne faut pas oublier qu'il y a les drogues. Et on se doute qu'elles ont été nombreuses à l'origine de ce tourbillon frénétique. D'ailleurs on soupçonna beaucoup de groupes de ce mouvement de reconnaître ouvertement leur penchant pour les trips psychotropes. A commencer du fait de leur façon de chanter, tout en retrait et en vapeur, ou par leur manière de se tenir sur scène, fixe, abruti et regardant leurs pieds (d'où le nom donné par Andy Ross). Mais aussi du fait de certains textes tendancieux ou par cette tendance à tout noyer sous des chœurs incompréhensibles.
De par leur amour pour les délires vaporeux, Ecstasy Of Saint Theresa est une formation entièrement tournée vers les envolées bruitistes, zébrés de coups de caisses ou d'éclairs de guitares. Certains morceaux se transforment en vrai maelström ("Pistaccio places"), dont les surcharges feraient presque mal à la tête, d'autres cachent de petites curiosités (la guitare sèche qui apparait fugacement à la fin de "Swoony"). Mais on retient surtout derrière cette apparente structure qui fait penser à un barage de son qui vient de céder, les délices de la poésie pop, comme sur le single déjanté "To Alison" ou sur le magnifique "Thorn in yer grip", plus aérien et reposé.
Sussurate restera comme un des plus émoustillant album de cette époque, longtemps disparu si on ne s'était pas intéressé de plus près à cette merveille venue d'Europe de l'est.