2 juin 2007

Blind Mr Jones : Stereo Musicale


Stereo Musicale de Blind Mr Jones
Coup de coeur ! 

Sortie : 1992
Produit par Chris Hufford
Label : Cherry Red


Le premier essai de ce (très) jeune groupe résume à lui tout seul tout ce que le courant shoegaze pouvait représenter à l'époque de pédant et de particulièrement infantile.
Objet de la moquerie et de la condescendance de certains en raison de la naïveté de ces musiciens, à peine majeurs, Blind Mr. Jones avait déjà des envies culottées qui démangeaient. La pochette, très adolescente et loin de style arty des autres, prêtait à sourire. Adoptant un chant sublime très angélique et éthéré, qui dénote pour un groupe de rock, surtout masculin, Blind Mr. Jones éveillait la curiosité, puis très vite de la condescendance.
Et sa musique ne faisait rien pour éviter d'être ainsi stigmatisé: belle, planante comme décoiffante, elle mêlait dans une joyeuse pagaille, stylisme raffiné et psychédélisme, jusqu'à y insérer violon et flûte, parfois en overdose ! Se posant délicatement entre des instrumentaux étranges (« Lonesome boatman »), les chansons ne suivaient que des détournements, longs et intenses (« Spooky Vibes »), au cours desquelles les parties chantées se réduisaient à de simples vocalises béâtes et sublimes.
Cela eut tôt fait de mettre à l'écart ce style musical, trop spirituel et saugrenu pour attirer les faveurs d'une audience grand public. D'autant que la concurrence parmi le shoegaze de ces années-là, était telle qu'une lassitude se fit place, enterrant nombre de formations qui se ressemblaient plus ou moins et étaient nourries des mêmes inspirations. Il était irrémédiable que Blind Mr Jones soit comparé à ses pairs, et cela lui fut fatal, version en culotte courte des plus grands.
Mais pourtant, ce que savait faire aussi Blind Mr Jones, et avec un talent précoce, c'était d’établir de véritables trips jouissifs à l'aide d'un mur du son phénoménal et de jeu en perte et fracas.
Les chansons sont toutes longues, complexes, alambiquées, entre crescendo monumental (le final hallucinant de « Against the glass ») ou excursion expérimentale (l’obsédant « Small Caravan » et ses percussions). L'intensité est réelle, que ce soit dans ces ouragans où le groupe lâche les brides et laisse exploser un jeu chatoyant et ébouriffant (« Going on cold »), ou bien que ce soit dans ces voix, sublimes de pureté cristalline (« Regular disease »). Les arrangements sont tous somptueux. Les guitares descendent en vrille tout au long de ce disque déjanté. Les mélodies ressemblent à de véritables contes de fées. Quant à « Going on cold », assurément un pur moment d’envoûtement, l’enchevêtrement de voix solennelles dans la légèreté et des guitares qui montent crescendo, laisse pantois d’admiration. Seulement ces aspirations seront trop absconses, parfois virant vers une musique trop emphatique, qui glissera peu à peu vers une caricature d’elle-même (« Sisters », lorgnant presque sur le prog-rock).
Tant pis s'il s'agit d'une musique trop abstraite, rêveuse et finalement égocentrique. Tant pis si Stereo Musicale, sans doute trop considéré au premier degré et vite réduit à un terrain de jeux pour jeunes gamins, ne s'attira que l'incompréhension. Tant pis si Blind Mr. Jones n'eut jamais le rayonnement espéré.
Seule compte la poignante émotion que cet album, rempli de grâce, parfois amusante, souvent saisissante de justesse et de vérité, sait transmettre à cette partie de nous qui refuse de grandir.

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