31 juillet 2007

Lilys : In the presence of nothing


In the presence of nothing de Lilys

Sortie : 1992
Produit par Kurt Heasley
Label : spinART / Slumberland


Quand bien même le son de Lilys à ses tout débuts pouvait fortement ressembler à la version masculine du Loveless de My Bloody Valentine (strates lourdes de guitares, morceaux expérimentaux, négligence poétique, colère rentrée), Kurt Heasley, son leader et cerveau avoué, se refusait à l’admettre.
Vite associé, à son corps défendant et avec une hypocrisie incroyable, à la vague shoegaze californienne du début des années 90, alors qu’il faisait partie du label Slumberland, tout autant que tous ces groupes (Swirlies, Henry’s Dress, Black Tambourine) à l’esprit lo-fi, ce songwriter décalé et à la furieuse envie démangeante de se démarquer, chercha alors à se distinguer le plus possible de cet album.
Passant le plus clair de sa carrière à revisiter, explorer, remettre au goût du jour, des courants oubliés (kautrock, dream-pop minimaliste, pop sixties, indie rock…), toujours à contre-temps, Kurt Heasley délaissa ce premier essai, qu’il jugea probablement trop facile. Pourtant, même s’il s’essaya de plus en plus à un style plus rond, plus optimiste et plus lumineux par la suite, rien ne fera oublier que In the presence of nothing représente malgré tout l’album qui synthétise le plus fidèlement peut-être son esprit.
Avec ces guitares bourdonnantes, ce son répétitif et entièrement saturé, sous lesquelles coulent une voix aussi douce que fantomatique et inaudible, on se rapproche au mieux de la finesse désespérée de son auteur. Car on a beau être littéralement bousculé par cette multiple épaisseur rembourrée de guitares et de distorsions, parfois très plombées, on distingue très clairement un certain laisser-aller, notamment dans les rapports avec le monde extérieur. Un détachement qui transparaît à l'écoute de ces voix qui abandonne tout effort de prise de position ou de ces chamallows électriques en couches superposées. Avec à chaque fois une envie d'emmener l'auditeur vers des ressentis étranges (comme l'intro de " There's No Such Thing As Black Orchids" ou la saturation lourde de "It Does Nothing For Me"). In the presence of nothing est la définition même du brouillage : brouillage sonore (les dix minutes expérimentales de " The Way Snowflakes Fall"), brouillage mélodique ("Collider"), brouillage du message (la pop-song au discours tendancieux, " Claire Hates Me"), et de manière générale, brouillage d'une aspiration à la beauté et à la contemplation.
Car ce premier opus permet surtout de se reposer et de se laisser écraser sous cette déferlante, qui refuse tout espoir, sans pour autant se complaire dans la platitude et l'abbatement.
Par la suite, Kurt Heasley essaiera de s'ouvrir, de jouer les caméléons, et l'on se demande si ce n'est pas sur cet album, où il en dit le moins, où il reste le plus abscon, que finalement il n'a pas été le plus sincère.

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