31 octobre 2007

Rollerskate Skinny : Horsedrawn Wishes


Horsedrawn Wishes de Rollerskate Skinny
Coup de coeur !

Sortie : 1996
Produit par Rollerskate Skinny et Aidan Folley
Label : Show Biz Records / Warner Bros


Réduit à un trio, le combo irlandais en profite alors pour se livrer à toutes les fantaisies. Ils ont de la chance : la major sur laquelle ils ont signée les laisse libre de leur action ; douce époque aujourd’hui révolue.
Tout ce qu'on peut constater c'est que ces gars sont fêlés, barrés et définitivement déjantés. On dirait des doux dingues échappés d'un asile. Mais on se laisse entraîner par leur entrain, leur grain de folie, tant tout cela est inventif et génial. Leur exubérance, leur goût pour le n'importe quoi, leur décalage, tout cela est contagieux.
Tous les morceaux possèdent le petit plus qui en font des grandes chansons aux guitares qui partent en vrille ("Cradle Burns"), aux tendances cartoonesques ("Swinging Yawing"), voire carrément irrésistibles ("Speed to my side" ). On ne sait jamais ce que la prochaine chanson va donner. Rollerskate Skinny s'assume dans son délire, dans son auto-dérision, sans forcément tomber dans la facilité ou la complaisance, maîtrisant à la perfection l'art du refrain à chanter par dessus et même la chanson langoureuse ("All Morning Break").
Ken Griffin le disait lui-même : « Echo and the Bunnymen rencontre les Beach Boys, époque Pet Sounds ». Il a peut-être raison mais dans cet album, il y a bien plus que ça.
Avec un sens de la débrouille et de l'expérimentation inouï, ce groupe anglais renouvelle les codes de la pop. Traitant avec une nonchalance folle les arrangements et les possibilités de production, Rollerskate Skinny mêle donc petits bruits insolites, boîtes à rythmes, xylophone, clochettes, grosse caisse frappée avec un marteau d’orchestre, et arrangements synthétiques à leurs guitares saturées et leur musique lumineuse et rayonnante.
Cet usage incessant de ce mur du son et autres subterfuges permet au groupe d'explorer toutes les facettes de leur envie : musique fanfaronesque ("Ribbon Fat"), douce berceuse qui se termine en feux d’artifice ("Bell Jars Away", on ne pouvait pas faire meilleure conclusion à l’album), bombes soniques coupé en son milieu par une évidence étincelante (« Shimmer Son Like A Star »), délire psychédélique (quasiment toutes les chansons) ou tout simplement titres pop irrésistibles ("Angela Starling " ou le magnifique "Thirsty European").
Rollerskate Skinny n'oublie pas d'apporter à son sens du délire juste ce qu'il faut de majesté. Ingénieux, certes, mais surtout suffisamment décalé pour se démarquer.


10 octobre 2007

Welcome to Julian : Never so close


Never so close de Welcome to Julian

Coup de coeur !

Sortie : 1993
Produit par Guy Fixen
Label : Rosebud / Barclay


Difficile d’affirmer sa personnalité lorsqu’on est un groupe français mais qu’on s’applique à reproduire les climats virevoltant de la pop outre-manche, au point de chanter en anglais, de plagier les pochettes des groupes shoegaze et de faire produire son premier album par Guy Fixen. C’est d’ailleurs bien se que l’on reprocha à Welcome to Julian : de trop se servir des formations anglaise comme modèle, crime de trahison pour le pays. On ajouta bien vite que le groupe n’avait aucune idée et qu’il lui fallait prendre le ferry pour en emprunter quelques unes.
Pourtant, Welcome to Julian a su défendre depuis le début sa part d’intégrité. Incluant tout au long de l’opus quelques intermèdes courts et surprenant (« Diamond » et sa guitare sèche ou les deux « Interludes », très planant), le groupe ne se borne pas à empiler les guitares par-dessus des chants sirupeux, il sait aussi faire preuve d’une originalité certaine dans la façon d’appréhender les choses. On retrouve ainsi une flûte sur le magnifique et enchanteur « Who’s », un groove hypnotique et des chœurs éthérées sur l’énorme montée en puissance qu’est « Is it a crime ? », des pédales wah-wah sur le très noisy-punk « Take it easy Eddie » (un instrumental de même pas deux minutes) ou bien un solo crasseux étonnant sur le fougueux « Higher ».
Mais ce qui dénote aussi, c’est la maturité du groupe, capable d’écrire de véritables perles mélodiques, savoureuses au possible lorsqu’elles entremêlent des cordes de guitares, parfois cristallines et oniriques, bien souvent saturées et puissantes. C’est avec des titres de la trempe du trépidant « Real Things » ou l’entêtant « Drop Dead Gorgeous », malade, vicié, tendu, avant de se faire fouetter par des lanières de guitares saturées, que le groupe dévoile sa face complexe.
L’espace de quelques instants, Welcome to Julian créé son monde, qu’il sait aussi fragile que fugace, malgré ses guitares. Un univers bien frêle, comme emporté par un vertige sonique, à l’instar du merveilleux « Lucky Star », avec ses voix absolument toutes douces, ses petits accords adorables et ses vagues de distorsions câlines.
« Don’t close your eyes, brave the world, the brillant world » sera-t-il marqué sur la pochette, comme pour rappeler qu’il y a sans doute trop de choses à voir, à faire, des miracles comme des bêtises, pour s’arrêter en si bon chemin.

7 octobre 2007

Fiche artiste de The Charlottes


The Charlottes
Lorsqu’on parle des pionniers du mouvement shoegaze, on pense bien évidemment à My Bloody Valentine mais on oublie bien souvent The Charlottes, qui avec leur single « Are you happy now ?» posa pourtant les bases du genre.
Formé en 1988 à Huntington, dans le Cambridge, le groupe rassemblé autour de Petra Roddis sera affilié d’abord à la vague noisy-pop proche de The Primitives, à défaut de pouvoir à l’époque définir leur style, qui finalement était plus proche du mur de son de My Bloody Valentine. C’est au cours d’un concert en novembre 1988, à l’Université des Arts et des Technologie, en compagnie de The Darling Buds et The Telescopes, que leur premier titre fut mis en vente. Même si seulement un quart du public présent se décida à l’acheter ce soir-là, il reçut le soutien de nombreux fanzines, et recevra même un éloge de Dave Simpson du Melody Maker, le qualifiant de classique du mouvement twee.

C’est à force d’enchaîner des performances remarquées à chacun de leur concert, qui débutèrent par un soutien de Snapdragons et qui furent suivi par une tête d’affiche lors du festival d’été du Cambridge, ou alors par la première partie de The House of Love, que le groupe se fit remarqué et pu enregistrer son premier single dans les studio de Peterborough.
Le single fut qualifié de « brillant » (Pop Eats Apathy), de « incroyablement inouï »
(Total Warpout ), voire même de « petit classique (Avanti), et même le magasine House of Dolls expliqua qu’on ressentait la même chose à l’écoute de la chanson que « si on était coincé dans le tambour d’une machine à laver ». Le single se vendit en moins d’une semaine. Il faut dire que l’art work y fut pour beaucoup, celui-ci ayant été conçu par le groupe lui-même. Des lettres de fans venus du Japon, d’Australie, d’Allemagne, d’Espagne, commencèrent à affluer. Et à Ispwich, le bassiste Dave Fletcher, le guitariste Graham Gargiulo et le batteur Simon Scott (qui se démarquait des autres pour être un fan de Soundgarden), encadrant la chanteuse charismatique Petra Roddis, ont donné l’envie aux membres du groupe Bleach de se lancer.
Mais il n’y avait pas que chez les fans que le single fit sensation.

Martin Whitehead, alors patron du label Subway Records, tombe sur le single et déclare dans un magasine qu’il s’agit d’un des trois meilleurs single de 1988. Il se dépêche alors de les rencontrer lors d’une première partie de The Flamates (un de ses groupes) en février de l’année suivante pour les faire signer. Il en résultera un mini-album, « Lovehappy », qui reçut la prestigieuse note de 9 sur 10 sur le NME, et qui leur vaudra d’être interviewés par John Peel lors d’un concert. Dave Simpsons déclarera avoir été impressionné par « ces distortions de guitares qui ressemblent aux roulettes des dentistes ». Quelque temps plus tard, ils enregistreront des black sessions sur Radio 1. Dale Griffin, le producteur de la BBC, jugera le son des guitares trop bruyantes mais il ne réussit pas à faire changer d’avis le groupe, ce dont John Peel se réjouit, ainsi que les fans. C’est que The Charlottes possédait maintenant un son distinct et reconnaissable entre mille. Ils furent parmi les premiers à créer ce fameux « mur de guitares », Petra n’hésitant pas à brancher la sienne, sans savoir forcément enchaîner des accords complexes. Progressivement le style s’éloigne de la direction commerciale des toutes premières chansons.
Les concerts étant de plus en plus fréquents, Dave Fletcher, qui cumulait également un poste de batteur au sein des Nightjars, annonce son retrait. Il sera remplacé quasiment au pied levé par Andrew Wade, un ami de Graham Gargiulo, qui apprendra les rudiments de l’instrument en une semaine, délai imposé car il fallait assurer une tournée de trente dates en compagnie d’un jeune groupe, fan de The Charlottes également. Pour la petite histoire, ce groupe en question, s’appelait Ride.

Un second EP « Love in the emptiness » sortira peu de temps après mais il sera largement moins diffusé, la faute à une promotion déficiente, et la sortie cumulée des premiers singles de Ride au mê
me moment. Le groupe rompt alors son contrat avec Subway pour passer sur Cherry Red, en mars 1990, dont la première parution sera le maxi « Liar », sortie qui sera accompagné d’une tournée et même d’un clip diffusé sur MTV, quand bien même celui-ci sera rudimentaire. Le tout récent label fait de The Charlottes sa priorité et ambitionne de sortir un album dans l’année. En décembre, ils démarrent des enregistrements au Minstrel Court Studio, mais lors des vacances de Noël, Simon Scott annonce qu’il s’en va rejoindre Slowdive. Les autres membres du groupe jugeant Simon essentiel, son départ marque ainsi la fin du groupe.
Dans quelques interviews données plus tard, Petra avouera être soulagée de mettre un terme à la formation, dénonçant au passage le harcèlement de certains journalistes (elle citera même des noms). Au regard des critiques élogieuses, on peut s’interroger, mais à rebours, lorsqu’on sait que The Charlottes multiplia les concerts dans Londres, supportant des groupes-amis, on comprend qu’elle fut en réalité excédé d’avoir été considéré comme parti prenante de cette scène « that celebrates hitself ». 
Comment ne pas s’indigner lorsque par exemple, Christophe Conte ose la décrire comme « hum, si corpulente, née sans doute d’une coucherie inédite, genre Jean-Marie Postier et Bannarama. » ?
Plus tard Cherry Red regroupera tous les enregistrements sous son nom sur le recueil « Things Come Apart » en 1991.

C’est la dernière trace de ce groupe fondamental. Au final, The Charlottes n’aura laissé qu’un petit testament, mais essentiel.

The Charlottes : Love Happy

Love Happy de The Charlottes

Sortie : 1989
Produit par The Charlottes
Label : Subway Organisation

Le titre "Cold" est court, percutant, rapide et un peu grossier, il faut la voix doucereuse (mais forte elle aussi) pour réussir à s'extirper. Il illustre très bien le style que voulait imposer The Charlottes : de la percussion (suffit d'entendre les roulements à la batterie, déchaînées) et énormément de saturations, mais à aucun moment, il ne faut s'en effrayer, au contraire, leur chanteuse Petra reste debout, droit sur ses jambes, et ne vacille pas, continue de scander ses chants légers, comme si de rien n'était.
Avec son côté innocent, "Are you happy now", c'est tout un hommage aux groupes comme Talulah Gosh ou Shop Assistant, avec les saturations en plus. 
D'ailleurs, la production rudimentaire va presque rendre service à ce premier album, encore un peu C-86, pas encore tout à fait shoegaze. Comme quoi il n'y avait pas que My Bloody Valentine à cette époque pionnière, et cela beaucoup l'oublie.
Pour le moment, et alors que le groupe est un des pionniers en matière de shoegaze, The Charlottes ignore encore quelle posture adopter, de la posture ou de la frivolité, à l'instar de "Keep me down". On n'est pas encore dans le sérieux et le côté épique, parfois, qu'on trouvera par la suite.
Comme si de toute manière, les guitares représentaient une force incommensurable, qui pouvait facilement tout submerger et que ça ne servait à rien de lutter. Qu'on pouvait même trouver du plaisir à se laisser noyer et qu'il fallait s'en amuser.
On dirait du punk. "In my hair" joue sur les coupures, sur le déferlement, sur les arrêts, comme pour dire, tout ceci n'est que de la musique, pas la peine de se prendre la tête, on est jeunes, et les ennuis sont loin...

The Charlottes : Things Come Apart


Things Come Apart de The Charlottes

Sortie : 1991
Produit par Martin Dice
Label : Cherry Red

Quand bien même, les guitares lâchent les brides et que les coups à la batterie martèlent, The Charlottes reste pop dans l’esprit, absolument pop. Impossible de s’en défaire.
Leurs chansons pourraient passer sous un déluge de saturations écrabouillant, on décèle toujours une légèreté dans le ton, qui est la marque d’un goût prononcé pour les mélodies rondes et chaudes.
De ce recueil des enregistrements sous Cherry Red, on retient essentiellement une bonne dose de lumière, de sucrée, de délicatesse et de violence à la fois. C’est que les choses vont vite, quelques mélodies envoyées pied en plancher, soutenues par un gros son, comme on n’avait osé à l’époque, tout en restant très accessible : le contraste est étonnant entre la finesse de la musique et la dureté des instruments ou du tempo, à l’instar de « Payer Song » ou « Beautify ». Il n’y a pas le désir de rendre les choses compliquées, de saccager le tout sous des dissonances, de se livrer à l’expérimental, juste le plaisir de brancher les amplis à fond et de n’avoir aucune retenue quant aux décibels employées.
Guitares plutôt chargées, voix féminine très plaisante, rythmique nerveuse, mélodies bien ficelées, tous les éléments sont réunis et permettent au groupe de Petra de produire une pop-rock hyper noisy mais de bonne facture (le sublime « We’re going wrong »). Simples, entraînants, hautement mélodiques, les titres charment d'entrée de jeu, sans se compliquer et en misant sur la mise en relief de refrains impeccables, grâce à un jeu tout en tohu-bohu. Les guitares saturées se mélangent énergiquement pour composer des ambiances tendrement dynamiques, sur lesquelles vient se poser la voix légère et fruitée de Petra Rodiss. On retrouve cette fausse douceur qui faisait l'attrait de cette époque intemporelle. Jusqu’à glisser discrètement vers un charme rêveur, comme sur « Love in the emptiness », presque hypnotique à force d’être dur et féroce, jusque dans le chant, qui prend des teintes graves et solennelles. Voire jusqu’à atteindre des sommets d’évasion intemporelle, où on dérive dans un état extatique, tout au long d’une montée en puissance extraordinaire, à l’image des neuf minutes de « By my side », à la mélodie envoûtante, qui finira par être noyée, et dont les assauts répétés, s’atténuent parfois pour mieux revenir à la charge ensuite et définitivement emporter l’auditeur au cours de tournis inouïs.
Mais on revient vite vers des choses plus concises, directes et simples, à savoir l’innocence et la naïveté pop, qui oublie tout et se complait dans sa propre chimère rose-bonbon (« Mad Girl’s Love Song » ou la reprise du « Venus », des Stocking Blue, en massacre en règle saturé). Et il est si bon de s’y vautrer et de savourer autant d’énergie, de puissance, pour finalement tenir des propos si légers et insouciant.
En effet ces chansons énergiques et balancées ne manquent pas de pêche et s'écoutent inlassablement. La part de rêve n’en ait que plus décuplée.