21 janvier 2008

Fiche artiste de Colm

Colm

Tout comme Lucie Vacarme ou Welcome to Julian, Colm est un groupe français qui s'est nettement inspiré de ses idoles anglais (ici Ride). Facile pour Daniel Dauxerre puisqu'il travaillait tout simplement chez la division parisienne de Rough Trade, célèbre disquaire rue de Charonne.

17 janvier 2008

Penelope Trip : Usted morirá en su nave espacial

Usted morirá en su nave espacial de Penelope Trip

Sortie : 1994
Produit par Paco Martínez
Label : Munster Records

Si on connaissait ces espagnols complètement frappés et quelques fois difficiles à suivre, force est de constater que sur ce deuxième opus, ils ont réussi à conjuguer tourbillon et mélodie. Les chansons deviennent dès lors réjouissantes, une sorte de manège, un flot prenant auquel on ne peut s’empêcher d’adhérer. On sent qu’il s’agit d’une réelle volonté de la part du groupe que de se rendre plus abordable. Si les membres restent des gosses, peu désireux de se contrôler, on note un effort sur les voix, adorables, plus légères, et les distorsions de guitares, plus contenues.
On a le droit alors à de superbes chansons, légères, envahies de distorsions, mais au poids absent et au goût sucré : « Nadiuska » et ses nappes qui évoquent My Bloody Valentine, « Autopsia » et ses guitares sèches toutes latines, ou le final « Plasticine », ralenti et minimaliste, qui se termine sur de mignonnes distorsions et une flûte adorable, sont autant d’exemples. A d’autres moments, on perçoit avec amusement toute l’influence de l’indie pop américaine, comme sur « Crescendo » qui évoque Yo La Tengo ou Beat Happening.

Mais espiègles comme pas deux, les galopins de Penelope Trip n’hésitent pas à transformer leur morceaux, parfois uniquement pour le plaisir de se pavaner dans leurs passages de pures tempêtes de riffs au son garage et typiquement indie. Le chant se fait, selon l’humeur, envolé et déjanté, ou bien plus subtil, suave, doux, cajoleur presque. Evidemment la malice prend vite le dessus, comme sur « Galaxina », mené tambour battant, « Lucifer complex » au rythme effréné et haché, débuté comme une mignonnette petite ballade à la guitare sèche et terminé sur un carnage de riffs à l’intensité sinusoïdale, ou encore « Superprofit », à l’héritage indus, hardcore et noise. La plupart des titres restent de courtes durées.

Parfois tout ceci se calme, on observe davantage de langueur, preuve que quelque part, les membres de Penelope Trip se sont peut-être un peu assagis. « TWP » est un miracle de torpeur, quant à « Dual » et ses cuivres discrets noyés sous les saturations, il prouve que le groupe espagnol possède des talents d’écriture certains. On en ressort quelque peu épaté car on se dit que les membres ont quelque part pas mal grandi, ils font preuve de maturité, d’une volonté de contrôler leurs pulsions. « Espirú » en est l’exemple parfait.
Au final, on peut écouter à loisir, sans répétition, sans ennuis, un très bon album parmi le shoegaze espagnol, scène vivante et énergique, dont Penelope Trip sont les représentants les plus foldingues.

7 janvier 2008

Les Autres : Le Retour à la Lune


Le Retour à la Lune de Les Autres

Sortie : 1994
Produit par Les Autres
Label : Les Oranges Molles
/ Cornflake Zoo

Cet album est marqué par un certain spleen.
Un abattement pesant qui met du plomb dans tous les morceaux.
Même le titre d’ouverture (« Chapels Bay »), ballade à la guitare sèche, présente l’empreinte de la tristesse avec sa mélodie effilochée et sa voix douce mais affligée.
Quand bien même les guitares s’énerveraient (l’excellent « Outside My Ken » et son refrain nerveux), le chant d'Olivier reste toujours modéré et monocorde. Les guitares (celles de Jimmy et Olivier) sont bien souvent lourdes, parfois se font très lentes, pour glisser vers une torpeur où juste quelques éclairs surviennent, voire quelques slides. La basse de Morgan est présente, rappelant constamment la gravité de l’ambiance instaurée. Jamais le chant ne dépasse d’un ton, restant toujours en deçà d’un seuil dont le franchissement indiquerait une émotivité engagée, ce qui n’est pas le cas pour ces rennais. A quoi bon revendiquer quoi que ce soit lorsqu’on sait que la bataille est perdue d’avance ?
Les Autres ne font que dresser un constat. Un constat d’échec, certes, mais un constat. Basse sourde, tempo martelant et guitares saturée, pour un style très proche finalement de Codeine ou des débuts d’Idaho, à l’instar de « Phoney Smile ». Et pourtant le chant demeure léger et caressant, typique du shoegaze, alors qu’autour de lui le monde s’effondre sur ses bases, inexorablement, en tempête saturée ou en déferlement sourd. A peine a-t-on le temps de respirer et de constater les dégâts au cours de suspensions tragiques, agrémentées de quelques arpèges, que celles-ci sont recouvertes par un mur du son gluant (« Bus Stop » ou « Letter boxes’ symmetry »). Chaque mélodie, douce et lente, qui pourrait prendre de l’ampleur et virer dans les hautes sphères dans une autre vie, se voit rappeler à l’ordre. Tirée vers le bas, ralentie comme si elle était mazoutée, elle dérive vers une poésie morne (« Hoppy »). Voire même un état propice à la somnolence.
Le Retour à la Lune n’est pas une lamentation. Le son est beaucoup trop lourd et à aucun moment ne se complait dans les regrets. Mais cette attitude en retrait ne représente en aucun engagement non plus. Juste un abandon.
L’aveu que trop de choses nous dépassent et que même si on est capable de générer de la violence, de l’injustice ou des inégalités, on n’y peut rien non plus car la nature est ainsi faite. Il ne reste donc plus qu’à se protéger, se calfeutrer, se lover dans un détachement. Une sorte de violence et de rage dont on connaît que trop bien l’inutilité. Pourquoi finalement s’égosiller la voix pour passer au dessus des saturations alors que l’on sait très bien qu’il n’est pas la peine d’en rajouter ? Le chant peut rester doux, plus proche du véritable ressenti des auteurs, plus proche de leur état d’esprit, plutôt que se travestir à plagier un message revendicateur. Pour atteindre une grâce sans pareille, comme sur « Who Knows », où la voix angélique de Valérie (de l’éphémère groupe rennais In Sense, mais dont la plupart des membres ont fondé ensuite Mils) fait des merveilles, et où apparaît discrètement une petite flûte.
Les Autres ne cherchent à convaincre personne. Juste à partager un état d’âme.

Springhouse : Postcards from the arctic


Postcards from the arctic de Springhouse
Sortie : 1993
Produit par : Joe Chicharelli
Label : Caroline


Après un premier album prometteur mais qui n’allait peut-être pas au bout de son ambition, le trio, Jack Rabid, Mitch Friedland, Larry Heinemann, choisissent de durcir leur son. Puissants et volumineux, les morceaux forcent le trait, afin de coller au plus près aux véritables aspirations de ces hommes, d’une grande sensibilité. « Le thème principal de l’album traite de l’âpreté de la vie à New-York, explique Jack (c’est lui qui chante sur la ballade semi-acoustique « Time to go »), l’arctique est une métaphore à propos du désert sentimental que peut représenter une ville comme New York »[i]. Ainsi, des titres comme « Alley Park », « Ghost », « The Light », prennent le temps de se poser doucement, de développer ses nuages de mélancolie et de finesse, tout juste traversés d’arpèges délicieux et d’un chant affrété, avant qu’une véritable tempête sonore ne vienne éclater sourdement en un tonnerre saturé et un grondement de caisses (le jeu de Jack à la batterie fait des prouesses sur cet album). Les airs prennent sous ce nouveau souffle une envergure impressionnante et s’élèvent, poussés par les agitations, vers une majesté tempétueuse, tant pis pour le chant un peu forcé parfois.

Bien que commençant par des arpèges fabuleux, « Asphalt Angels » s’élève dès lors que la batterie se fait plus insistante et que les guitares saturées rentrent en scène. Le groupe y lâche toute sa frustration. C’est que les membres se sentent piégés à New York, une ville qu’ils connaissent par cœur, mais qui leur donne aussi l’impression de les étouffer. Jack a des rêves d’évasion : « On aimerait un jour pouvoir partir sur la route en tournée et y rester pour toujours »[ii]. La seule fois où leur label Caroline leur a proposé de partir en tournée en 1991 avec les Smashing Pumpkins, cela a été annulé au dernier moment. Jack en nourrit de l’amertume : « Toute cette scène alternative des années 90 n’était qu’une fumisterie. Ça a entravé la carrière de pas mal de groupes qui ne correspondaient pas au moule. (…) Les Smashing Pumpkins nous ont éjectés de leur tournée avant le premier concert parce que leur album avait explosé. On avait passé des semaines à planifier des arrangements, à obtenir que nos jobs soient conservés après la tournée, pour louer un van, et louer du matériel, et tout ça, et le jour avant la première date, ils nous virent sans nous prévenir. C’était une blague ! J’ai dit plus tard à Billy Corgan que je n’avais pas particulièrement apprécié, mais il ne semblait pas s’en soucier »[iii]. Face à ces concours de circonstances, le groupe livre sur cet album toute leur dureté à l’égard du monde et la confronte à leurs vœux romantiques.

La musique de Springhouse se fait alors très percutante, véritable tourbillon merveilleux, qui dévaste tout sur son passage à l’image de ces déferlantes de guitares, voire même de ces riffs coup de massue (« Enslave Me »). On les a assimilés au shoegaze anglais même si c’est surtout dû au hasard. Pour Mitch : « A cette époque, tous ces groupes commençaient à apparaître comme Lush et Slowdive, et on se disait : ‘’waou, on ressemble vachement à beaucoup de ces groupes’’. On a été étiqueté shoegaze mais ça n’était pas notre intention »[iv]. On se laisse éblouir par ce punch, cette conviction à jouer de l’avant, à assumer ce côté luxueux. Visiblement, et le groupe le reconnaît lui-même, cette nouvelle étape a été possible grâce à l’apport de leur nouveau producteur, Joe Chiccarelli, connu pour avoir signé le premier album Everclear d’American Music Club. « Il nous a apporté le son clair et brillant qu’il nous manquait sur notre premier opus »[v] reconnaît Mitch Friedland. Les quatre hommes se mettent d’accord : ne pas hésiter une seule seconde dans la surenchère. Le jeu de Mitch à la guitare sera alors soutenu par plus de saturation et les deux autres se mettront à son service, en se superposant à sa vigueur. Le guitariste raconte comme est venu ce son particulier : « Par accident, en utilisant une guitare acoustique et une pédale à distorsion. Je me souviens de Jack et moi qui nous rendions à un magasin de musique et on a pris une pédale à distorsion. Le vendeur a pointé ma guitare et m’a demandé : ‘’vous allez prendre ça pour votre guitare ? Ça craint !’’. On a commencé à rigoler mais quand on a essayé en studio, on a adoré le son que ça a fait »[vi].
Trop violent pour de la pop, trop doux pour du rock, la musique de Springhouse est une bulle à part, probablement le seul moyen pour les membres du groupe d’échapper aux contraintes d’une industrie musicale qu’ils jugent hypocrite. Jack Rabid admet ne pas faire comme tout le monde : « C’est sûr que comparé à la plupart des américains qui écoutent 90% d’albums américains et 10% d’albums anglais, nous, on est plutôt 50/50 »[vii]. De toute manière, ils ne se reconnaissent pas dans les groupes issus comme eux du sérail indépendant : « L’underground a été tellement élitiste pendant si longtemps que ça défend n’importe quoi plutôt que ce qui est vraiment bon. En ce sens, c’est désormais un désert parce que plus personne ne se souvient du peu qu’ils ont produits. Jouer dans un groupe ça serait contreproductif pour moi »[viii]. Mitch de surenchérir : « La première fois qu’émerge l’underground, c’est l’histoire en marche. La deuxième fois, c’est de la merde »[ix].
C’est donc passé sous des tonnes d’effets (c’est à peine si on distingue la mandoline et les violons sous les saturations du magnifique et poignant « Worthless ») que leurs poèmes se font les plus éloquents. Une sorte d’exutoire émotif (parfois Mitch semble y mettre toutes ses tripes, à défaut d’avoir une voix parfaitement assurée) pour démultiplier ses états d’âmes. Le single « All About Me » ou « Misjudgment » sont peut-être robustes, elles n’en demeurent pas moins des chansons qui explorent les amours perdus, l’enfance, les souvenirs et les doutes existentiels, bref toute une facette plus fragile, avec ces petites guitares sèches, ces chœurs doublées et ces mélodies enchanteresses. Springhouse met tout ce bouillonnement intérieur en musique, se libérant d’un certain musellement, presque jusqu’à déborder par maladresse.



[i] Jack Rabit cité par R. M. sur East Coast Rocker, 7 avril 1993, [en ligne] http://tripalot.com/springhouse/interviews/
[ii] Idem
[iii] Interview de Jack Rabit par Danny Lackey, sur When the sun hits, 9 décembre 2010, [en ligne] http://whenthesunhitsblog.blogspot.fr/2010/12/interview-conversation-with-jack-rabid.html
[iv] Interview de Mitch Friedland par John Clarkson sur Pennyblackmusic, 11 janvier 2009, [en ligne] http://www.pennyblackmusic.co.uk/MagSitePages/Article/4955/Springhouse
[v] Mitch Friendland cité par Kevin Linehand, sur Mixx Magazine, mai 1993, [en ligne] http://tripalot.com/springhouse/interviews/
[vi] Interview de Mitch Friedland par John Clarkson, op. cit.
[vii] Interview de Jack Rabid par John Clarkson, op. cit.
[viii] Jack Rabit cité par Joe S. Harrington, sur New Route Magazine, 1991, [en ligne] http://tripalot.com/springhouse/interviews/#new_route_magazine_1991
[ix] Mitch Friedland cité par Joe S. Harrington, op. cit.