10 mai 2008

AR Kane : "i"


"i" de AR Kane

Sortie : 1989
Produit par AR Kane
Label : Rough Trade


Au cours d’une époque, il y a toujours des groupes comme AR Kane.
Des groupes immensément doués, intellectuels et esthètes, pratiquant une musique originale mais qui passent complètement inaperçus. Mais qui par la suite, se retrouvent l’influence principale d’immensément de genres nouveaux.
Ce n'est pas que la formation anglaise eu le malheur d'exister à une époque particulièrement féconde, laissant peu de place aux rêveurs. Même à l'heure actuelle, le monde entier s'en foutrait complètement, hormis une poignée de fans (é)perdus, qui les considéreraient comme des innovateurs miraculeux. AR Kane appartient à la catégorie des groupes incompris. Et on ne peut rien y faire.
A tout bien y réfléchir cet album s’encre totalement dans son époque : utilisant et expérimentant toutes les techniques de productions possibles, AR Kane s’affranchira des styles pour proposer ce que les années 80 avaient de mieux à offrir comme perspective.
Affichant une musique pop expérimentale, limpide et épurée, « i » allie la grâce d'un climat doux à une pratique piquante et savoureuse.
En plus de courts intermèdes composés de bruits blancs de quelques secondes, cet album regorge d'étrangetés, d'innovations incroyables et de mélange des genres. Au delà d'être un groupe maîtrisant à la perfection les ambiances rêveuses, AR Kane se risque à insérer dans ses chansons des boite à rythme à la limite du cheap ("Crack Up" et ses teintes africaines), des enregistrements samplés (l'intrusion burlesque du synthé qu’on croirait piqué au plus ridicule des groupes new-wave en intro de "Snow Joke"), des arrangements baroques (les violons et cuivres s’additionnant aux chants angéliques sur « In a circle »), des percussions (« Conundrum » noyé sous un mix de brouillage) ou carrément un clavier rythmique pour une sorte de dub electro (« What’s all this then ? » avec ses arpèges féeriques). C’est sans doute ce côté délibérément kitch qui fera que cet album aux vingt-six titres sera plutôt difficile d’accès. Les connotations soul sont très marquées, par les voix moites et chaleureuses mais aussi pour le rythme artificiel et dansant, ou pour les chœurs gospel (« Pop »). Le titre « A love from outer space » sera un hymne des années 80 et un monument de chanson taillé pour les boites de nuits. Ce groupe se permettait donc de mêler grâce synthétique et entorse discrète aux règles. Le résultat est inouï et sans aucun doute inégalé. A l’instar du merveilleux « Miles Apart », au rythme et piano dansant, mais nimbées de guitares saturées et magiques. Ou pour toutes ces chansons de fins, déliquescentes et éthérées. C’est presque dans un rêve étrange et abscons qu’on écoute alors le merveilleux « Spook », sommet shoegaze où les chants masculins comme féminins finissent par s’entremêler au milieu des guitares magiques. Suit encore le romantique slow au piano et aux voix suaves « Sugarwings ». Jusqu’à tomber sur une démonstration de grâce absolue où quelques distorsions paresseuses flotteront ça et là au milieu d’une contrée fantasmagorique pleine de douceur (« Down »).
Vers le fin de l’album ce ne sera plus que complainte déchirante au milieu de saturations et crescendo fantasmagorique (l’intense et indépassable « Supervixens »), dernier sursaut noisy (le tourbillonnant « Insect Love ») puis un mix improbable entre dream pop et reggae (« Catch my drift ») qui s’évanouira sous les samples et les volutes.
Ceux qui s'en saisiront comprendront alors. Comme un révélation.

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