18 décembre 2008

Fiche artiste de The Milk and Honey Band



The Milk and Honey Band

Délaissant à ses heures solitaires les frasques de son groupe Levitation, Robert White avait l'habitude de traîner un peu en studio ou d'emprunter une 4-piste pour enregistrer à la maison.
Abbatu et quelque peu amer devant l'attitude des membres lors des concerts, ce projet solo était pour lui une bouffée d'oxygène. Robert White se contentait d'ailleurs de chanter et de jouer de tous les instruments, qu'il enregistrait séparément avant de les compiler.
Ces chansons figurent toutes sur « Round the sun », que Rough Trade choisit de publier en 1994. La plupart des instruments rappèlent avec nostalgie l'époque du rock progressif, de la même manière du reste que Levitation, mais dans une veine plus acoustique et reposé. De plus le caractère véritablement lo-fi de l'album laisse transparaître fidèlement les vagues à l'âme de Robert White.
Suite à la rupture de Levitation, Robert White choisit d'aller vivre à Brighton et d'y entamer une carrière de producteur. Durant ces quelques années, il continue d'écrire dans son coin et d'amasser lentement du matériel pour The Milk and Honey Band.
En 2001 sort en toute discretion sur un label mancunien obscur – Uglyman Records – le deuxième album, « Boy From The Moon », qui verra la participation de Richard Yale et Mikeal Tubb (avec qui Robert White avait déjà travaillé au sein de Zag and coloured beads), même si le studio se trouve chez Robert White et que ce dernier compose ses chansons seuls.
C'est surtout avec « The Secret Life Of The Honey And Milk Band », paru en 2004 sur le label de Andy Partridge (XTC), que le groupe signe l'album le plus abouti. Spatial, pastoral et très psychédélique, tout en restant léger, cet opus aurait mérité de connaître un meilleur sort.

16 décembre 2008

Fiche artiste de Difference Engine


Difference Engine


Aujourd’hui membres de Fern Knight, corpuscule folk-rock exploitant un crédo sombre et proche du gothique, Margie Wienk (photo) et Mike Corcoran faisaient auparavant partis de Difference Engine, groupe originaire de Providence.
De Providence, on connaissait la scène noise ou bien des groupes de college rock comme Small Factory. Mais Difference Engine préférait, durant son existence étalée entre 1992 et 1996, se lover dans un shoegaze atterré, adolescent et quelque peu dépressif.
Après quelques singles sur le label culte Beddazled, le groupe sera accueilli par Caroline Records. Déjà, malgré les surcharges de guitare, le laconisme à la base de Fern Knight était bien présent, comme en témoigne leur seul album « Breadmaker » en 1994 qui cède beaucoup de terrain face au sadcore.

15 décembre 2008

Seven Percent Solution : All About Satellites and Spaceships



All About Satellites and Spaceships de Seven Percent SolutionSortie : 1996
Produit par Seven Percent Solution
Label : X-Ray


Assez avare en signaux, cet album, venu tout droit du Texas, s’extrait pourtant des racines basiques et immédiatement identifiables du rock.
Se réfugiant dans une zone floue où tout se confond, guitares, voix, comme claviers, le groupe d’Austin efface ses traces, et mélange les instruments pour ne distinguer plus rien d’autre qu’une sorte de nuage, de gaz éthéré, vaguement remuant et chargé d’électricité tressautante (le superbe "Build on sand" par exemple).
De temps à autre, des grondements vont suppléer des traînées de guitares laconiques, tandis que sous un rythme lent, des voix trafiquées numériquement vont distiller des échos robotiques de douceur ("The air bends sunlight" ou "Snuff gold and gold things"). C’est dans une volupté spatiale et atmosphérique que l’on baigne.
Seven Percent Solution invente ou ne fait que montrer, on ne sait trop qui croire, mais il invite à la concupiscence. A une extase artificielle et palliative. Le rythme est indolent, souple et proche du mouvement space-rock (Bardo Pond, Jessamine, Mazinga Phazer) à l'instar du jazzy "Revolve".
L’onctuosité qui en découle, se range parmi les délices cosmologiques : les guitares envoient des messages codés au travers l’espace sidéral, la technologie ronfle et bourdonne, la langueur est de mise et les chants fantomatiques ne laissent rien filtrer de leurs contenus hormis des caresses légères.
Virant souvent du côté de l’ambient ("Your kingdom, your world" ou "the sky suspended"), ce premier album n’hésite cependant pas à accumuler les saturations s’il le faut, quitte à ne plus entendre les voix, qui deviennent alors des effluves glacés.
Un groupe complètement à part dans la scène du Texas, au profit d’un space rock cotonneux et exigeant.

11 décembre 2008

Bailter Space : Wammo


Wammo de Bailter Space

Sortie : 1995
Produit par Bailter Space
Label : Flying Nun / Matador


Probablement l’album le plus accessible et le plus ouvertement pop de Bailter Space.
Enfin Bailter Space adoucit son style et apparaît plus comme un groupe rock « normal ». A la limite, on pourrait même parler de percée dans le monde power-pop, tant les mélodies sont faciles et agréables, le ton cajoleur, notamment dans le chant, tout en usant de guitares énergiques.
Pourtant ce nouvel album est quasiment un sans faute, tenant la route sans faiblir tout le long de ces dix compositions. Certes, rien de bouleversant, plutôt adoucies dans l’ensemble, mais celles-ci sont un régal : des pop-songs énergiques, plaisantes et accrocheuses. Sans se prendre la tête ou essayer de travestir un genre qui n’est pas le leur, Bailter Space signe quelques instantanés simples de rock, brassant aussi bien dans la pop locale que dans celle des Etats-Unis.
Le son a gagné en lisibilité ce qu’il a perdu en nervosité, et c’est un peu ce qu’on peut reprocher au groupe. Cependant on ne peut pas dire qu’ils ont perdu leur talent de compositions, tant certaines chansons de cet album, sont taillées pour être des tubes. On peut ainsi citer en exemple : « Untied », le single « Splat », l’envoûtant « Retro » et d’autres.
Certes les mélodies sont assez faciles, le chant plutôt léger et agréable, mais il y a quelque chose chez Bailter Space que les autres n’ont pas : une certaine rudesse dans le son de la guitare. Souvent dures (« Zapped »), parfois même rêches (« Voltage »).
Problème : le groupe vient de Nouvelle-Zélande, et il aura beau avoir signé quelques chansons taillées pour les charts (« Colours », l’énorme « D Thing »), le succès ne sera pas au rendez-vous. Dommage.

The Naked Souls : Two and One


Two and One de The Naked Souls

Sortie : 1993
Produit par Urs Hirscher
Label : Lost Records


C’est un tout petit EP, sorti en catimini, mais c’est un tout petit EP qu’on veut chérir à tout prix, car il contient trois petites chansons magnifiques.
Tout droit sortie d’un rêve fantasmagorique, la musique de The Naked Souls déclame majestueusement une poésie grave, sérieuse et affrétée. Usant de procédés luxueux (cymbale, piano discret, vague féerique, tempo lent, guitare céleste), les chansons, longues et complexes, s’étirent et construisent tranquillement des crescendo. Ces montées dans l’intensité vont partir de climats suspendus, aériens, où le chant semble venir des cieux, avant de progressivement insister sur les instruments et gagner en lyrisme théâtral.
C’est une percée des guitares saturées qui conclut les sept minutes vaporeuses de « Spouthole », tandis que « White Rabbit », absolument divin, gagne en épaisseur, en chevauchant son ton martial (roulement de batterie militaire, tambourins, bourdonnement, et basse appuyée) de volutes royales au chant et de dialogues cristallins entre guitares.
Quant à « Sleep », leur meilleur morceau, on a carrément le droit à un miracle mirifique. Eblouissant dans sa progression, ce titre s’ouvre sur une toute petite mélodie à la guitare, délicieuse et qui va servir de base pour un ajout additionnel d’instruments jusqu’au climax. Le chant y est savoureux au possible, très lyrique, et d’une douceur à se damner. Les musiciens vont se rajouter petit à petit, tout en suivant le fil conducteur et en conservant la trame initial, aboutissant ainsi à une explosion formidable. On voudrait tant et tant que des chansons comme celle-ci sortent plus souvent !
A la fois dramatique et fragile, The Naked Souls joue sur le luxe : surchargé dans sa musique et dans son attitude, le groupe apparaît pourtant extrêmement sensible.
Précieux dans tous les sens du terme.

1 décembre 2008

The Naked Souls : Shady Ways Anticlockwise



Shady Ways Anticlockwise de The Naked SoulsCoup de coeur !Sortie : 1995
Produit par Giorgio Motore
Label : Lost Records

Si le merveilleux existait, The Naked Souls en signerait la BO. Volontiers affrété et surchargé de magnificences en tout genre, cet album est une pure merveille enchanteresse, qui pour une fois ne provient pas d’Angleterre mais de République Tchèque. Rien, absolument rien, ne semble s’affilier à quelque chose de terre-à-terre, de l’apanage de simples musiciens de studios, les membres de The Naked Souls sont des anges.
L’usage habituel dans le rock de rengaines ou de riffs percutant s’évanouit subitement devant la magie que peuvent exercer ces guitares en couches, en apparats, tissant des lignes mélodiques féeriques, qui voguent et tremblent, dans un style tout en rondeur. D’une suavité extrême, le mur du son qui se déploie se fait tout en recouvrement, enrobant l’espace au lieu de le saccager, pour une musique raffinée, dépositaire d’une ambiance proche de l’onirisme. Jamais on ne pensait qu’une telle beauté pouvait se faire dans le rock.
Les structures alambiquées et élégantes qui se dégagent de cet album aspirent à une infinie beauté, qui n’a plus grand-chose à voir avec le commun. Quelques clapotements et bouillonnement de clavier, évoquant des nappes aquatiques, des relents de pureté translucide, d’ondes et de fluides (« Auto-da-fé »), et c’est tout un écrin tropical qui s’offre pour des guitares mouvantes et au son tremblotant. Instaurant une ambiance délectable, sorte de liqueur ou d’ambroisie musicale, The Naked Souls se pare alors de tous ses atouts : une préciosité sans égale, à grand renfort de rythme lent, de basses froides et de samples de poudres de fées (« Heaven »), un style fantastique et très ampoulé, un chant quasi-théâtral, angélique, d’une gravité consistante et pourtant d’une légèreté incroyable, qui scande des litanies célestes avec un maniérisme langoureux ( « Seattle song »).
Un tel raffinement est une surprise, un choc mais aussi un plaisir sans fin, qui s’amplifie à mesure que la délicatesse se complexifie, au grès d’une voix d’enfant de chœur, d’une saturation (« Day after day »), d’un roulement de caisse, d’une basse délicate, d’un crescendo (« Shadow of the wave ») ou d’un passage qui se laisse aller (« Winter kills me »).

A la longue, le détachement est tel qu’on est persuadé que cette musique n’a pas d’équivalent sur Terre ; ce sont pourtant quatre garçons qui l’ont inventé et qui s’en portent garants. Mais durant quelques dizaines de minutes (soit la durée de l’album, plus sans doute plusieurs longs moments à suivre pour ceux qui aiment à rêvasser), l’illusion est suffisamment forte pour que l’on croie à un miracle. C’est que le symbole est fort : tout dans l’arrangement, les éclats, les mélodies, l’instrumentation, les retenues, est voué à se détacher des petitesses pour rejoindre le firmament des plaintes poétiques, dont la grâce est tellement poignante qu’elle étreint le cœur pour toujours.