31 mars 2010

Fiche artiste de Long Fin Killie


Long Fin Killie

Trois albums, pour trois noms de personnages mystiques disparus : « Houdini », « Valentino » et « Amelia ». Par la suite, en 1998, les tensions avec le label Too Pure seront trop importantes et Luke Sutherland décidera d’aller voir ailleurs.
Pourtant on tenait là un groupe à part, bizarre mais novateur, aussi excitant que surprenant, rangé désormais aux côtés de Stereolab ou Moonshake (du même label) comme précurseur du post-rock. Le style sera immanquable, mélange improbable de violons celtes, de mandoline, de piano, de rythmes jazz ou bien dub, de guitares saturées et de passages ambient ou empruntant à la world music, aussi bien celte qu’africaine, le tout associé à l’incroyable voix de falsetto de Luke Sutherland.
Ce dernier, originaire de Glasgows en Ecosse, réunit autour de lui Colin Creg (à la basse), l’excellent David Turner (à la batterie) et Philip Cameron (à la guitare). Comme Luke Sutherland avait auparavant joué dans un petit groupe qui avait ouvert les concerts pour Ride ou Catherine Wheel, c’est tout naturellement que le style de Long Fin Killie s’oriente d’abord vers le shoegaze. Mais par la suite, les découvertes des groupes allemands comme Can ou des groupes de dream-pop comme AR Kane (énorme influence) expliqueront l’orientation de l’écossais, toujours désireux d’explorer davantage et de mêler ensemble des influences a priori sans rapport.

Discographie :


Long Fin Killie : Buttergut



Buttergut de Long Fin Killie

Sortie : 1994
Produit par Richie Demsey
Label : Too Pure

Le riff de « The Lamberton Lampligher » est un pur délice qu’on apprécierait sans fin. D’autant qu’il est saccagé par des arrivées impromptues de guitares magiques et déchaînées. Le morceau part ensuite dans tous les sens, avec ce tempo cassé, suspendue, ces violons celtes qui peuvent se faire capricieux, comme délicats, ces saturations envoûtantes, cette voix suave, aux accents chaleureux.
On le sait, Luke Sutherland n’a jamais voulu faire comme les autres, ce qui se traduit par un style tout simplement indéfinissable, et c’est tant mieux, car on ne se lasse pas de sa musique à la fois bruyante et incongrue.
S’il n’avait pas voulu n’en faire qu’à sa tête, on n’aurait jamais eu la chance d’entendre des sauteries au violon et les voltiges vocaux incroyables de « Suki » ou les roulements énormes de batterie sur fond de distorsions de « Boy Racer ».
Le dernier morceau (« Butterfly ») est un rêve : avec ces notes de violon grattées comme seul Led Zeppelin pouvait le faire, une flûte discrète, des vocalises répétitives fantomatiques, l’arrivée de la batterie au bout de longues minutes, ce ton qui s’accélère progressivement pour un décollage immédiat et un trip planant exotique, onirique et d’une beauté étrangère.

27 mars 2010

KG : 987 EP

987 EP de KG

Sortie : 1996
Produit par Rémy Bux
Label : Lo-Fi Recording

Rémy Bux est toujours aussi fan de Kevin Shields. Sur son deuxième single, le bidouilleur français va cette fois-ci changer un peu la texture de ses guitares, toujours aussi grésillantes, mais également décapantes, comme pouvaient le faire celle de Isn't anything. Que ce soit avec "Friendly Lovely Friends", son chant atone, ses distorsions plaignantes, l'intervention discrète de Stéphanie Gaillard, ou avec "Cherry Love Comb" et ses effets vibrato, sa batterie dans le rouge et ses voix mixées, on devine toute l'admiration que l'homme porte à My Bloody Valentine.
Mais on le sait, le bougre peut parfois n'en faire qu'à sa tête et se lancer dans l'expérimental. D'ailleurs les morceaux n'excèdent rarement les deux minutes comme si aussitôt qu'il s'était lancé dans une idée, il s'en défaisait, vite ennuyé, pour s'amuser avec autre chose. Cela peut être du pur noise (le brutal et bourrin "Stuka" où il va même aller jusqu'à hurler sous les distorsions) ou des instrumentaux étranges, entre musique d'ascenseur ou de supermarché à l'époque des années 60 ("The Thirteenth Thirteen") et passage cotonneux façon 4AD ("Farewell my love").

18 mars 2010

Fiche artiste de Penelope Trip



Penelope Trip


La formation originaire de Gijon a été extrêmement importante dans la scène indie pop espagnole qui a commencé à naître au début des années 90. Ce qu’on appelé le « xixon sound » ne vient pas tant du fait d’une similitude dans le style que dans une envie de proposer quelque chose de nouveau.
Effectivement, dépité de la médiocrité dans laquelle végétait la musique espagnole, cinq étudiants décident de fonder un groupe. Il s’agit de Tito Pintado (chant), Pedro Vigil (guitare), Juan Carlos Fernandez (guitare), David Guardado (basse) et Covadonga De Silva (batterie). Le nom du groupe est inspiré de la chanson de Felt, « Penelope Tree ». Des premières démos leur permettent de signer sur le label Munster Records et de sortir un premier EP, « Hammerhead », en 1991.
Stupéfaction dans la presse spécialisée : voilà que les guitares sont extrêmement saturées, la voix en retrait (Tito chantait en anglais mais dans un anglais plus qu’approximatif, ceci expliquant cela) et les influences nullement nationales mais anglo-saxones (The Pixies, My Bloody Valentine, Moonshake, The Pastels ou encore Young Marble Giant) !
Parallèlement, de nombreuses autres formations voient le jour à Gijon et proposent à leur tour leur vision de la pop indépendante : Australian Blonde, Dr Explosion…, à la tête duquel Penelope Trip s’installera le temps de deux albums.

17 mars 2010

Penelope Trip : Politomania



Politomania de Penelope Trip

Sortie : 1992
Produit par Pedro Vigil
Label : Munster Records

Bon, soyons clair une fois pour toute : le shoegaze, c’est avant tout une affaire de gamins attardés. Après tout qui oserait ainsi tout brancher sur son saturé au mépris du bon sens ? Faire péter les amplis alors qu’on fait de la pop, il n’y a vraiment que les cramés du cerveau pour faire ça, et probablement que les espagnols le sont au moins un peu.
Penelope Trip, en flirtant aussi bien avec My Bloody Valentine (« Sugar Colt », un poil furieux dira-t-on), The Primitives (pour ce tempo rapide sur « Overdriver ») qu’avec les Pixies (la basse de « Helly » et la voix trafiquée, le couplet saturé et le refrain tout en « ouhouhouh » savoureux), fait preuve sur ce premier album d’une régression quasiment totale, et habille alors toutes ses chansons d’une tenue rapiécée de saturations grésillantes et de distorsions incorrigibles. Comme toute musique qu’on laisserait faire par des adultes en mal de foutoir et de bordel, ça frise parfois la bizarrerie (les instrumentaux abscons que sont « Demo » et « Inside the taxi »), comme parfois le surprenant (« Tigremoon », entre pop et indus).
Cela reste malgré tout passionnant, car en cherchant bien, en faisant abstraction des diverses sautes d’humeur, des saccages en règle alors qu’on semblait tenir là une chanson potable, et autres incongruités capricieuses, on décèle des moments de génie. Je dis bien moments de génie et pas autre chose. Le contraire serait renier le caractère absolument inouï de titres comme « Psycho » ou « Ingrid Superstar » (entre la voix douce, négligée, et les guitares saturées façon eighties, tout y est), dont la saveur irradie et communie une bonne humeur irrésistible.

10 mars 2010

Fiche artiste de February


February

February aura contribué à la scène shoegaze de Minneapolis (avec Colfax Abbey ou Shapeshifter) sur la foi d’un seul mais merveilleux album, « Tomorrow is today », gorgé de guitares rêveuses et empreint de rythmes artificiels, écrin destiné à la voix charmeuse de Amy Turany.
Le groupe se forme dès 1994 autour du guitariste Damian Neubauer, le bassiste Steve Saari, le batteur Todd Rubbler, et bien sûr Amy Turany. Il arrive très vite, à force de concerts dans les bars, à regrouper autour de lui une base de fans, essentiellement des étudiants et des « buveurs de bière qui n’ont juste 20 ans », comme le dira une journaliste du Bilboard, qui n’arrête pas d’écrire aux membres, notamment par e-mails. C’était tout juste les balbutiements de l’essor d’Internet dans le monde du rock. Mais cela permit à la première cassette de se vendre immédiatement à près de 800 exemplaires en à peine quelques semaines. Illico, sans label, le groupe ressort à nouveau sa démo, qui se vend cette fois-ci à près de 3000 exemplaires.
Le label de Chicago, Carrot Top, leur propose un contrat pour la diffusion d’un seul album, le premier, magnifique, dont les titres passeront aussi bien sur les radios étudiantes que sur les radios commerciales (notamment KEGE FM, radio basée sur Minneapolis).
Malheureusement le contrat ne sera pas renouvelé et February en restera là. Dommage.

Discographie :

- Even the night can't tell from a star

- Tomorrow is today

February : Even the night can't tell you from a star


Even the night can't tell you from a star de February

Sortie : 1996
Produit par Richard Werbowenko


Comment rendre une musique irréelle ? Comment détacher des chansons d’une prise directe avec un schéma classique et organique ? Comment réussir le tour de magie de faire disparaître l’impression de musiciens ?
Le travail de February, encore brouillon sur ce premier maxi, mais envoûtant, consistera à supprimer les repères et les codes en matière de pop-rock pour aboutir à la troublante sensation d’avoir à faire à un univers délié, volubile et quelque part fantasmagorique. Le rythme se révélera très langoureux ou répété en boucle, à la manière de l’electro, tandis que les guitares perdront de leur clarté au profit de longues traversées saturées, rêveuses et merveilleuses (le superbe « Afterglow »), plus de riffs clairs visant à développer une succession de couplet et à soutenir des refrains, mais au contraire des nappes flottantes et brouillant le message dans une sorte de volupté artificielle. C’est le tempo hypnotique et proche du monde des DJs qui s’occupera de créer une certaine langueur qui traverse tout l’album. Langueur évidemment renforcée par la voix suave, douce et ensorcelante de Amy Turany, qui éclate avec une classe incroyable tous les morceaux, qu’ils soient entraînant (« That Girl » et sa baisse de rythme géniale sur la fin) ou plus lancinant (le ralenti et angélique « Comfy » qui se charge progressivement de saturations).
Le décalage avec le simplicité terrestre et les mœurs habituelles se fait tel qu’on a le sentiment d’entendre là un shoegaze particulièrement rêveur, qui se laisserait totalement aller, à tel point d’ailleurs qu’on arrive sur une musique totalement envoûtante, calme, reposée, comme sur le titre éponyme concluant ce maxi, où la basse se fait plus douces, les guitares tombent en pluie d’or, le chant est somnolant, les montées de fièvres rapides et écourtées brutalement, avant de céder la place à un piano léthargique et de la friture sur les bandes audio, qui s’éternisent.
Cette irréalité aboutit à un sommet, une vraie perle, « Angel Bomb », trésor de ce maxi, où la voix de Amy Turany fait des ravages, le rythme envoûte et le xylophone confère une dose de magie irrésistible, et qui naturellement se termine sur un passage doucereux et onirique.

3 mars 2010

Long Fin Killie : Houdini


Houdini de Long Fin Killie

Sortie : 1995
Produit par James Watson
Label : Too Pure


La musique de l’écossais Luke Sutherland est tout proprement inqualifiable : naviguant dans un style rêveur tout en s’appuyant sur une rythmique dub ou africaine et en faisant appel à des violons celtes, des arrangements orientaux ou à des guitares dans la pure tradition shoegaze, on rentre de plein pied dans le post-rock. C’est répétitif (ça c’est pour l’influence kautrock) mais en même temps c’est totalement bancal (ça c’est pour l’influence free-jazz).
Une musique comme celle-là, si risquée, si cosmopolite, on n’oserait jamais s’en revendiquer, de peur d’être complètement rejeté. Seulement voilà, 1/ Luke Sutherland était un génie et n’avait peur de rien, 2/ il était servi par des musiciens impeccables, notamment David Turner, batteur extraordinaire qui n’est pas pour rien dans l’ambiance hypnotique de l’album, et enfin, 3/ c’était une époque où les artistes défricheurs avaient tous les droits (et on ne remerciera jamais assez le label Too Pure pour cela).
Grâce à tous ces éléments conjugués, on a la chance inestimable de découvrir des plages sonores complètement atypiques, rassemblant des arrangements aussi antinomiques que des guitares acérées ou bien en dentelle, des casseroles, des trompettes, des violons, une mandoline, un bouzuki ou encore un saxophone. Le minimalisme confère une drôle impression de flotter tout du long. Impression renforcée par la voix bizarrement envoûtante du chanteur Luke Sutherland, dont la voix black se fait voilée, soufflée et légèrement androgyne.
De surcroît les paroles sont géniales, volontairement lyrique et emphatique, contribuant à augmenter l’irréalité planante sur l’album. La répétition des motifs, dans l’optique d’une sorte de transe multiethnique (tout aussi celte qu’africaine), qu’elle serve de défouloir ou de repos contemplatif, se voit parfois secouée par des éclairs saturés impromptus ou des vibrations de violons frénétiques.
C’est complexe, étrange, assez abscons mais il faut se laisser porter par ces vagues, ces hoquets suraigus, ces explosions brutales de cuivres, de cordes ou de guitares, cette tendresse infinie, ce goût du cirque et du folklore. On touche alors la finesse incroyable de cet album hors-norme qui a tant compté dans le renouvellement des codes du rock de l’époque.

1 mars 2010

Fiche artiste de Bailter Space



Bailter Space

Ceux qui s'interessent à l'histoire du rock indépendant, ne sont pas sans savoir que quelque part, à l'autre bout de la planète, existait un petit label qui fait pourtant parler de lui : j'ai nommé Flying Nun Records.
Plaque tournante de la drogue mais aussi d'une créativité folle, la maison de disque regroupera une flopée de groupes géniaux, The Bats, The Chills, The Clean, The Jean-Paul Sartre Experience, The Verlaines, et tant d'autres, amoureux du bon goût et de la pop. Parmi ces derniers, Bailter Space faisait figure de vilain petit canard. Car eux étaient amoureux du mauvais goût et de la pop.
Formé sur les cendres de The Gordons, le groupe originaire de Christchurch a publié un premier album, "Tanker", en 1988, véritable brulot noise, se démarquant ainsi du catalogue de Flying Nun Records. La ligne up d'origine comprenait alors à l'époque Alister Parker, John Halvorsen, auxquels s'ajoutait le batteur Hamish Kilgour (ex-The Clean). Le single "Grader Spader", produit par leur ami Brent MacLachlan, force la comparaison avec Sonic Youth.
Bailter Space fait une première tournée en 1989 à New-York mais à leur retour, Hamish Kilgour refuse de partir à nouveau et quitte le groupe. Il sera alors remplacé par Brent MacLachlan, à la batterie. Ce nouveau line-up, qui correspond à l'ancien groupe The Gordons, sortira un nouvel album en 1989, "Thermos", toujours aussi noise et encore plus réussi.
A partir de là, le groupe voyage beaucoup, en Allemagne, en Angleterre, aux Etat-Unis, et signe sur Matador, ce qui leur permettra de sortir des singles, dont le "The Aim", classé "single of the week" par Melody Maker. Le style change et s'ouvre sur d'autres, le shoegaze notamment, en vogue à l'époque. "Robot World", en 1993, confirmera cette tendance.
Désormais installé définitivement à New-York, deux albums suivront, de plus en plus léchés et power pop. Mais à chaque fois, le don d'écriture sera confirmé. C'est ensuite le label Turnbuckle qui s'occupera des productions jusqu'à sa fermeture en 2002.
Malheureusement quelque temps après, Matador Records arrêtera d'éditer les albums du groupe, faisant gonfler les prix des rares exemplaires proposés en occasion.

Discographie :