24 mai 2010

Fiche artiste de Flying Saucer Attack


Flying Saucer Attack

Au débart, un duo composé par David Pearce et Rachel Brooke, plus tard un projet mené par le seul David Pearce, après que sa belle ait préféré se consacrer davantage à Movietone. Mais dans tous les cas, un groupe culte, fondateur et immensément influent dans la ville de Bristol et sa scène post-rock.

Flying Saucer Attack : Further


Further de Flying Saucer Attack

Sortie : 1995
Label : Drag City
Produit par David Pearce


La musique du duo de Bristol est particulièrement austère sur ce deuxième album.
Il y a guère de choses sur lesquelles s'appuyer, en tout cas, peu de rythme, peu de notes, juste des entrefilets de guitares sèches et d'échos pauvres, instaurant une ambiance frugale et famélique. On sent le contrôle, la retenue, la pudeur sur absolument tout ce qui se fait. Les voix sont murmurées, à peine, avec fatigue souvent, sans jamais prendre le dessus. L'univers pastoral ainsi dessiné est assez confondant de rudesse.
Tout est noyé en reverb, ce qui donne l'impression d'être tombé sur un enregistrement fantôme.
Et qu'on est arrivé à la fin, lorsqu'il ne reste plus que quelques gressillements, quelques notes à la guitare sèche, quelques râles. Impression renforcée par le fait que l'album ait presque été produit à la maison, avec les moyens du bord et le plus de minimalisme possible.
Cet album, rugueux comme un buisson d'épines et doux comme une caresse, incite, oblige même, pour être exact avec le vocabulaire, au recueillement.
Ce qui perturbe et fascine en même temps c'est la distance qui est placée entre l'auditeur et l'album : cette musique est si asthénique qu'on s'y perd facilement. Comme si le temps était suspendu, sans tempo, ni repère, étiré à l'infini, déliant les ambiances contemplatives.
C'est austère, oui, mais c'est beau.

13 mai 2010

Fiche artiste de The Brian Jonestown Massacre


The Brian Jonestown Massacre

Anton est un taré, un ciboulé, un frappé du cerveau, mais aussi un génie, comme peu on n’a connu et comme peu on connaîtra par la suite. Il n’est pas inutile de voir le documentaire « Dig ! » qui lui est consacré. « Je n’ai jamais voulu ressembler à quelqu’un d’autre et je n’ai jamais accepté que quelqu’un me dise quoi faire. Lorsque je fais de la musique, je veux que ça retienne mon attention jusqu’à plus soif. Je veux pouvoir être en mesure d’écouter un morceau cinquante fois et d’être toujours abasourdi à la fin »[i] expliquera-t-il.  Avec son groupe sur scène, il cultive l’art du sabotage, cherchant ses intros avant chaque chanson, parfois pendant des plombes, se bourrant la gueule, improvisant, chantant de manière aphone, vociférant ses roadies, comme il cultive l’art de la mélodie parfaite. Que ce soit dans le rock garage, le blues, le psyché ou le shoegaze, comme à ses débuts, ce que beaucoup ignorent.
En effet, « Methodrone » est une pièce maitresse du shoegaze psychédélique, qui aura inspiré énormément de groupes comme The Warlocks, Black Rebel Motorcycle Club, My Vitriol etc. Et puis on n’oublie pas leur contribution au mythique coffret de singles de leur label Tangible avec d’autres formations obscures de la scène californienne, comme Nebtwister, Acid, Hollowbox, Reverb ou Orange. D’ailleurs, pour Anton Newcombe, c’est comme si le shoegaze était né en Californie !
Mais n’allait pas le croire lorsqu’il vous dit qu’il a tout inventé avant tout le monde : « Je ne vois pas pourquoi vous faites le rapprochement avec MBV, car je peux apporter des enregistrements [américains] qui peuvent remonter jusqu’à bien avant Spacemen 3 et toute cette merde. Je pense que vous ne comprenez pas la culture californienne. (…) Ma musique n’est pas arrivée comme faisant partie d’un mouvement de merde genre néo-shoegaze. Avant Oasis, on s’est fait offrir un deal par Alan McGee en 1992 (…) Demandez à Joe Foster et vous comprendrez qu’on faisait ça [utiliser des guitares saturées] bien avant que Mark Gardener ne monte Ride. (…) Il a été influencé par nous. (…) Je m’amusais à déconstruire le son de ma guitare à 11 ans en 1978, bien avant que Thurston Moore en ait acheté une et que Kevin Shields apprenne à jouer comme The Cramps. J’ai ensuite essayé de reproduire ces sons dans mon garage. Les voisins se plaignaient à cause des saturations »[ii].
Une belle divagation de junkie. A l’image de sa gestion chaotique de carrière, lui qui préférait révolutionner la scène californienne avec ses (anciens) amis des Dandy Warhols, lors de concerts baroques et fumeux, tambourins de sorties, orgies sur scène et seins à l'air. Les labels lui claquent la porte au nez, la réputation poisseuse file bon train, les problèmes d’argent s’accumulent, les bagarres sont monnaie courante, en répétition, en concert, dans la rue, et on peut même, avec de la chance, goûter au poing d’Anton lui-même. Seule la drogue ne manquera jamais à l’appel. Anton se souvient : « Je n’avais pas de tabous à l’époque. Je pense qu’on pouvait faire des choses vraiment extraordinaires sous drogues. Bon, ce n’est pas top mais ça rendait les choses plus intenses. Mais je n’ai jamais vraiment été fan de méth, je n’étais pas vraiment un fumeur d’herbe, j’ai plutôt adoré le LSD »[iii].  On dit de lui qu’il est le dernier hippie.
A son insu, Anton Newcombe fabrique un mythe autour de lui : malchance, erreur de casting, label sur la paille, concerts annulés, caractère sulfureux, paranoïa, mégalomanie. La légende veut que c’est Anton lui-même qui sabote ses propres concerts dès qu’il apprend que des patrons de gros labels sont dans la salle. Le succès ne viendra jamais. Resteront pourtant près d’une dizaine d’albums auto-produits, des multiples faces-b, de nombreux albums (dont plusieurs sortis la même année) voguant entre le shoegaze des débuts, le folk, le rock made-in Rolling Stones, le pastiche de My Bloody Valentine, les délires sixties ou encore le garage, mais surtout d’incroyables mélodies, imparables et émouvantes. Une vraie définition du rock indépendant. Comme le dit si bien Anton Newcombe : « J’aime montrer aux gens la vérité, leur donner des indices pour voir la réalité telle qu’est est, c’est cela la vraie ‘’magie’’. La plus grande arnaque du music business, c’est lorsque le public croit ce qu’on lui donne à écouter, prend la musique pour argent comptant »[iv].


[i] Anton Newcombe cité par Marc-Aurèle Baly, sur Les Inrocks, 11 juin 2014, [en ligne] http://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/the-brian-jonestown-massacre-revelation/
[ii] Interview d’Anton Newcombe par Dom Gourlay, sur Drown in Sound, 17 mars 2008, [en ligne] http://drownedinsound.com/in_depth/2984902-the-brian-jonestown-massacre--enraging-anton-unintentionally
[iii] Anton Newcombe cité par Julian Marszalek, sur The Quietus, 9 février 2010, [en ligne]  http://thequietus.com/articles/03702-the-brian-jonestown-massacre-an-anton-newcombe-interveiw
[iv] Interview d’Anton Newcombe par Bester, sur Gonzo, juin 2014, [en ligne] http://gonzai.com/anton-newcombe-les-droles-doiseaux-se-cachent-pour-murir/

8 mai 2010

Flying Saucer Attack : New Lands



New Lands de Flying Saucer Attack

Sortie : 1997
Produit par David Pearce
Label : Drag City

C'est comme si on tombait sur de vieux enregistrements, des vestiges sonores, des bandes tellement usées qu'elles tombent en désuétude.
Derrière le brouillage du temps, se cachent de maigrelettes voix, tout droit sorti d'un sommeil profond, légères traces d'une vie, qui parait si fragile, si faible. Le reste, ce sont des drones sans fins, des saturations écrétées, vaporeuses et floues. Des samples qui se perdent et se déversent dans un bruit éraillé et débrayé, comme sur "Respect", ou alors ce sont des saturations obscures et lentes qui progressent sur "Whole Day Song". Et les motifs répétés de "The Sea" semblent tout droit sorti d'un vieux répondeur en mode repeat, duquel sort une voix timide de freluquet, mais qui pourtant persiste bien malgré les brouillages sonores qui finiront inexorablement par le recouvrir, et le submerger.
La fatigue transparait dans cet album pour la porter au nue et en faire quelque chose d'incontestablement beau. Il y a tellement de laisser-aller... C'est incroyable d'arriver à ce point à un tel paradoxe : c'est saturé et brouillon au possible, et pourtant rien ne nous paraît si décharné. La voix de David Pearce, qu'on sent terriblement seul sur cet album, pourtant recouvert jusqu'au bout de feedback et de noise, est si chevrotante qu'on touche là à la délicatesse ultime. Un abbatement alangui et englué, secoué quelque fois par des percussions industrielles, dub mécanique et fatigué. "Up in her eyes" est ainsi une litanie époustouflante recouverte de poussière électrique où le peu de chaleur rend son dernier souffle.
L'ambient n'est jamais bien loin puisqu'à plusieurs moments, il n'y a plus rien à espérer, plus de rythme, plus de force, plus de vivacité pour tout soutenir, alors on s'écroule dans des samples étranges ("Night Fall") ou encore dans une série de bourdonnement interminable (le cyclopéen "Forever").
Un peu comme si à force de trainer, les bandes audio avaient fini par fondre au soleil et ne subsistaient plus qu'alors des parasites électro-magnétiques, dernières traces d'activité artistique, dernier cocon, dernier refuge pour rêver et se relaxer.