22 décembre 2010

Lovesliescrushing : Xuvetyn


Xuvetyn de Lovesliescrushing

Sortie : 1996
Produit par Scott Cortez
Label : Projekt

Lovesliescrushing possède la manie de ne pas vouloir se faire comprendre. C'est assez déstabilisant comme approche - on peut difficilement faire plus abscon comme musique - mais tout aussi fascinant quelque part.
Des paroles incompréhensibles, psamoldiées dans un râle suave et mixées très, mais alors très très, en retrait jusqu'à l'absence complète de support rythmique, voire même mélodique, le style éthéré du duo américain ressemble à une sorte de léthargie. Entrecoupées d'interludes très courts, où ne subsistent que des grondements électriques, des brides de distorsions étouffées ou quelques brouillages sorties des mondes féeriques, les chansons de l'album ne reposent sur rien, sur strictement rien. C'est suffisament déroutant pour le signaler.
En terme de lignes d'harmonie, on a le droit à des samples tremblotant, vaporeux, uniformes et constant, imposant un nuage frémissant. On ne peut même plus parler d'ambient puisque tout s'évanouit sous les bruits sourds de soucoupes volantes qui décollent, d'échos synthétiques provenant de très très loin, ou de mousses de savon à la texture si légère qu'on la traverse sans peine. De là, de ces nappes mélangées entre drones grondant et échos de brouillard magique, de ce décharnement extrême, émerge une sensation de flottement iréel. Comme si on écoutait la bande-son d'un rêve fantastique.
Une drôle de texture se forme, un mélange de fluide et de tressautement, qui patauge, s'imisce et disparait très vite, à la densité proche du zéro absolu, entre les chants indistinct mais léger comme tout, angélique et fondant, et les notes de distorsions d'une fluidité extrême, maintenues dans un registre constant, tissant des ambiances cotonneuses.
Impossible de trouver des repères, un semblant d'éléments solides sur lesquels s'appuyer, un contour bien défini avec des variations, des hauts et des bas : ici, tout est constant, tout est morne, tout s'évapore et rampe et se faufile comme du gaz. A tel point d'ailleurs qu'on cède : la musique de Lovesliescrushing est à ce point floue qu'on en devient passif. C'est alors la musique qui nous envahit et qui prend forme autour de nous. Pas de contour, ni d'allure, mais par contre une consistance : molle, vaporeuse, gazeuse. On la sent, ça frétille, ça coule, ça s'étend, on peut y plonger les bras et traverser de part en part, ça chatouille en passant.
Bien sûr incompréhensible et totalement réfractaire à toute forme d'analyse ou de décryptage, cet album référence du genre n'en demeure pas moins incroyablement dépaysant, avec cette recherche systématique de faire se mouvoir l'informe.

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