31 mars 2011

Afterglow : Vision


Vision de Afterglow
Sortie : 1993
Produit par Dave Hannan
Label : Supersonic Records


Sur leur premier EP, on devine le groupe encore agité, tumulteux et assez troublé. On le sent à l'écoute de morceaux comme le superbe "Slowsong", qui ne tait jamais son tonnerre, met en avant une sublime mélodie glacée à la guitare, froide comme la pierre mais magique comme un chant féerique. Même si le ton reste alangui, plutôt plombé, c'est cette mélodie qui maintiendra la chanson à flot, même lorsque les saturations exploseront pour un déluge abbatu et laconique. Tout simplement superbe.
L'accent sera particulièrement mis sur les riffs de guitares, cristallines dans l'ensemble, même si elles n'hésitent pas à se faire plus électriques, de manière à pouvoir soutenir un propos aussi bien poétique qu'assez élégiaque, ambiance qu'on note dans les voix d'enfants de coeur, souvent dédoublées, oscillant entre déclamation grave et des "aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah" étendus à l'infini ("Vision").
La cadence peut se faire plus lourde, les guitares écraser davantage, la batterie cogner un peu plus, les chants se faire plus solennels, cela ne change rien au ton plutôt étourdi, réveur et adolescent. Même sur l'angoissé "Lost in funhouse" (morceau particulièrement réussi de part sa basse très mise en avant et son chant un peu plus grave et apprêté que d'habitude), on retrouve cette candeur savoureuse. Afterglow avait tout pour signer de véritables tubes. Bien entendu, car cela reste du shoegaze avant tout, les choses ne se sont pas passer de cette manière et cet EP est resté relativement inaperçu.
A noter cependant, qu'il contient aussi "Fall Behind", qui est en fait un de leur tout premier enregistrement, à l'époque où le groupe présentait un mélange de furie rock et d'innocence juvénile, tournade de guitares, qui rappelle les tout débuts de Ride.

Afterglow : Teddy's got a gun


Teddy's got a gun de Afterglow

Sortie : 1994

Produit par Dave Hannan

Label : Supersonic Records

A force d'essayer, Afterglow a finit par toucher au but. C'est sur leur dernier essai qu'ils auront été le plus près de la chanson pop par excellence, celle dont le refrain, la mélodie, le son léché serait si efficace qu'elle accrocherait d'entrée et sans condition.

Globalement, le son (avec enfin une production à la hauteur) et l'énergie d'Afterglow font vraiment preuve d'un sens de l'évidence : les guitares sont bien senties, le tempo est soutenu et les harmonies vocales, avec ces dédoublements, ces refrains entrainants, sont particulièrement avenant. Certes, rien de bien compliqué (on sent que les membres du groupe sont moins torturés qu'à leur début), mais "Racoon" ne se pose guère de questions et emballe dès la première écoute, tandis que "Bright and eady" joue des arpèges sous un tonnerre de saturation. Le duo de voix d'enfants de coeur évoque Ride, influence évidente pour ce groupe australien.

Heureusement, il ne se contente pas d'être une copie, et se montre capable de dépasser cette condition : "Teddy's got a gun" est superbe à plus d'un titre. Non seulement les entrelacs entre les deux types de voix, toutes deux doucereuses et naïves, sont inouïes, mais en plus les riffs sont très variés, rappelant For Against, autre influence qu'on n'aurait pas soupçonnée !

Au jeu des chansons plus langoureuses, pour emballer les filles, Afterglow réussit là aussi le coup parfait, avec le magnifique "Where you are", claviers de sortie, voix béates et mielleuses, guitares sèches superbes. Un réel songwriting qui pourrait en rendre jaloux plus d'un !
On sent que sur cet EP, Afterglow maîtrise mieux son sujet, sait exactement où il veut aller, quel son il veut produire ; le groupe se rend intelligible, va à l'essentiel, et après tout, on ne demande guère plus au rock, sinon de signer de belles chansons, qu'on se plait à répéter en boucle.

Une chanson comme par exemple "Run for you wife", joué à cent à l'heure, simple, basique, essentiel, évident, avec un refrain comme on aimerait en entendre sans discontinuer, toute notre vie, qui nous redonne le moral, l'entrain et le sourire, tout ça à la fois !

27 mars 2011

Fiche artiste de In Motion


In Motion
Au départ In Motion est un trio composé de Liam Ryan, Alan Kelly et John Duff, amis depuis le lycée. Avec lui, ils trouvèrent leur propre style, raffiné et alangui. L'arrivée de Alan O'Boyle ajouta la touche finale à leur son proche de Ride. Une pièce maîtresse de la scène de Dublin en Irlande. 

In Motion : The language of everyday life


The language of everyday life de In Motion

Sortie : 1994
Produit par Paul Doyle
Label : Dead Elvis

A l'époque, le label de Dublin (aujourd'hui disparu) n'avait sorti que 1000 exemplaires de ce vinyl, faute de moyens pour offrir davantage. Et on ne peut pas vraiment l'en blamer ; qui oserait prendre autant de risque pour une telle pop si confidentielle ?
Cet unique album de In Motion a ensuite été réédité, corrigeant ainsi les défauts légitimes de production (on avait l'impression d'écouter une démo) et rendant enfin service à ce son si sublime, travaillé et regorgeant de détails. C'est une chance inespérée de sauver de l'oubli ces chansons tellement à part. De vraies bulles de savon, qui se démarquent totalement des productions majoritaires dans les années 90. Ce qui touche, c'est cette candeur poétique, léchant et caressant toutes ces démonstrations de splendeurs alambiquées et reposées. Une adorable naïveté qui va pousser le groupe à aborder des territoires habituellement abandonnés, marqués par la lascivité, la finesse, une certaine forme de dorure. Pourtant, il n'y a aucune ambition et guère de procédés. Les chemins empruntées par les guitares rélèvent davantage de l'emphase.
C'est plutôt ralenti, atmosphérique et luxueux. Le rythme très lent de "Splitting the seams" indique que ce romantisme est avant tout celui des sans-grades, ces êtres esseulés, compris seulement d'eux-mêmes, cynisme que va souligner un harmonica languissant derrière des saturations, grondant comme un tonnerre au loin. Les guitares sont réveuses, lunatiques, s'oublient parfois et vont de ci, de là, jouant les filles de l'air. C'est proche de l'ascétisme mais cela possède un charme absolu lorsqu'on veut bien s'y laisser prendre. "Honey sweet soul" évoque à ce titre Felt, le groupe de Lawrence, sur son album "The Splendour of Fear", composé essentiellement d'instrumentaux soignés et vaporeux. Jamais avec une note qui dépasse une autre, ces titres ne pressent pas le tempo, se laissent aller à la légèreté et n'hésitent pas une seule seconde à se vautrer dans les douceurs exquises de l'innocence sublimée. La léthargie qui prévaut tisse une atmosphère assez lancinante mais riches en arpèges zephiriennes. "When will you come back", au rythme tranquille, invite un piano et une flûte, avant que des guitares ne viennent se perdre dans un solo romantique.
Sur la deuxième face du vinyle, le ton change, le tempo est plus rapide, les guitares plus punchy, les saturations plus présentes, et ce dès "Hollow Blow", emporté, vif, mais toujours très racé. Un vrai tourbillon chaleureux, emportant avec lui des voix douces et soufflées. Ces titres ont en fait été écrits un an auparavant lorsque le groupe écumait les bars. "In Daylight" est un superbe morceau aux guitares élégiaques, spatiales et raffinés, couplées à un rythme souple et des voix complètement ouatée. On sent que sur cette moitiée de l'album, la fenêtre a été ouverte, pour laisser rentrer plus de lumière. La pop de In Motion se réchauffe alors quelque peu, c'est plus chaloupée, ça part vers le haut, usant davantage d'accords majeurs, et les voix se font plus ampoulées. On distingue même de chaleureux cuivres au cours de "Five and twenty thousand days".
L'album se termine sur une note positive, un certain entrain innocent et revigorant. "Filter" est une chanson rock à plus d'un titre. Au-delà des guitares qui s'emballent dans tous les sens, les vocalises mielleuses deviennent emphatiques et la structure s'embrouille dans une joyeuse démonstration de fougue adolescente.

25 mars 2011

Blindside : Hopes Rise





Hopes Rise de Blindside



Coup de coeur !


Sortie : 1993
Produit par Simon Grounds
Label : Summershine

On dénote souvent dans le shoegaze un certain romantisme. L'emphase appuyée, cette tendance à laisser dériver vers le mielleux le chant, renforce l'exagération. Le lyrisme est de mise, tout comme un état dérivatif, se manifestant par les guitares saturées. Au lieu de signer des courbes claires et disctintes de mélodies évidentes à suivre, le brouillage continu imprime un tonnerre stagnant. Un voile qui efface les pistes. L'esprit s'égare, se laisse aller, voire secoué, et s'envole.
Par exemple, Blindside joue particulièrement sur cette cristalisation. Sur le lent "Past", des distorsions vont se perdre au milieu d'une basse lunaire, suspendant le temps, avant que ne surgissent un défouloir saturé, puis une reprise d'un chant ampoulé et très suave. Les explosions électriques ne font que souligner l'intensité forcée des vocalises. Le ton est donné : on insistera sur les émotions. Le crescendo vombrissant de "Comforts" qui quitte les guitares sèches pour une déferlente de saturation fait que tout parait décuplé, démultiplié, presque théâtral. On laisse de côté le raisonnable, la retenue, la fidélité, pour mettre en avant ostensiblement les sentiments les plus vifs et les plus nobles. Un romantisme qui va donc occulter une certaine partie de la réalité. Pour ne plus que se concentrer sur une idée parfaite de la beauté. Rien n'affecte l'extrême raffinement de "Hopes Rose", morceau extrême qui fait office de démonstration. Tout y est sublimé, de la délicatesse avec l'intro à la guitare sèche, à la luxure avec les soubresauts toniques des guitares saturées, en passant par avec ce chant qui étire tout les "aaaaaah" et appuie dessus jusqu'à la caricature magnifique, ou bien la langueur, avec les violons. C'est ce voeu de romantisme qui pousse les musiciens de Blindside à jouer sur les zones de grandeurs.
L'album possède même une certaine tristesse. La ballade folk "Once before last time", avec violons de sortie, est absolument un crève-coeur, et le chant de lendemain de rupture ne fait rien pour arranger, surtout lorsqu'il est rejoint par une voix féminine de toute beauté. Lorsque c'est l'harmonica qui intervient, on sent les larmes monter.
D'ailleurs, à bien s'y reprendre, on sent poindre une certaine angoisse.
Il suffit d'écouter à nouveau le chant sur "Hopes Rise" pour y déceler des tremolos qui ne trompent pas. Et après tout, le génial "Idle Eyes", la cassure de rythme, les distorsions qui semblent devenir folles, les hoquetements des saturations, indiquent une certaine urgence. On a cette étonnante impression que la fin est pour demain et qu'il faut se dépêcher : c'est une chanson anxiogène. Et on suffoquerait presque à entendre le riff du génial et addictif "Barely a Glimmer", plombé, noir comme l'encre, recouvert de saturations et accompagné d'un piano gothique.
Le fait que ces chansons soient placés en ouverture de l'album et qu'on vire au fur et à mesure vers plus de calme et plus de langueur, n'est certainement pas innocent. Le constat inquiétant est imposé d'entrée pour mieux s'en détacher progressivement. Mine de rien cet album (l'unique pour ce groupe australien mais quel album !) glisse vers un esprit plus élégiaque. Car jouant moins sur la charge des guitares saturées, on laisse plus de place à la finesse. En témoigne le superbe et magnifique "Ether", son intro calme au piano puis sa mélodie entêtante au clavier, sa guitare sèche, et son chant soufflé, aprêté et tout en rondeur. Cette apparence est primordiale car c'est par cette musique bouillanante et très baroque, que le groupe épouse au mieux son élan poétique et quelque peu chimérique. Bien-sûr rien de tout ça n'a de lien avec le réel : la musique de Blindside est bien trop splendide pour pouvoir être rabaissé, et c'est bien son but d'ailleurs. Il n'empêche que le groupe le sait bien.


Cet opus impeccable impose une certaine violence dans le ton, avant de progressivement la quitter pour un aveu de tristesse assumée et d'élévation spirituelle. L'exagération continue, dépassant les limites de la pudeur, devient alors non pas le signe de la pédance, mais bien au contraire l'aveu d'une envie irrépressible de fuite. Une fuite vers le factice.

14 mars 2011

The Mandelbrot Set : The Mandelbrot Set EP

The Mandelbrot Set EP de The Mandelbrot Set

Sortie : 1993
Produit par Daniel Denholm
Label : Ra Records

Un petit EP beaucoup plus rentre dedans que le premier. Après avoir hésité, le groupe australien s'est ici fixé une ligne de conduite : vive les boites de nuit et le mariage avec la dance.
Le premier morceau, le percutant "Automation", n'est qu'une suite de beats et de rythmes samplés, recouverts de saturations énormes, comme si le fameux "Leave them all behind" de Ride s'était prolongé encore et encore au delà d'une nuit sans fin passée à faire la fête et à se déhancher sous les pulses des amplis géants.
Même chant suave et claviers artificiels sur "Nothing you need" mais avec cette fois-ci de légères intonations orientales. On sent que le but n'est que de pouvoir s'évader. Ce sera chose faite avec le long et contemplatif "Collider" (et ses chants fantomatiques, son mur du son, ses percussions).
Le groupe assume pleinement son virage. D'ailleurs le robotique et vaguement kitsch "Non-stop Action" est un drôle d'hommage à des groupes comme Depeche Mode, New Order, Visage ou The Human League. 
Un EP étrange qui débute dans le shoegaze des années 90 puis remonte le temps jusqu'à s'épanouir dans les années 80.