25 mars 2012

Underground Lovers : Leaves me blind


Leaves me blind de Underground Lovers

Sortie : 1992
Produit par Wayne Connolly
Label : Guernica


Métaphorique et clairement hypnotisant, ce deuxième opus du groupe australien se veut une transe, une vraie évasion sensorielle, une expérience où les attentions s’écroulent pour laisser place à une dispersion.
L’épopée revêt de formes multiples, entre ballade chaloupée matinée de psychédélisme ou morceau expérimental et ambient, mais tout en gardant une grande cohésion, celle d’une identité forte, assourdissante et construite. Des couleurs nouvelles s’inventent ici, entre arc-en-ciel flouté et gerbes saturantes. Si les distorsions du puissant « Got off on it » proposent une expérience psychédélique enivrante, les voix douces féminines et masculines de « Daze », qui évoquent des chants angéliques, alignées sur des volutes de guitares magiques et reposées, emmènent ce psychédélisme vers un monde merveilleux et irréel.
Parfois dur, abscons, parsemé d’interludes cotonneux, de brouillages sonores, de plages trafiquées, cet album se veut transcendantal. Il suscite chez l’auditeur un trouble qui l’oblige à abandonner ses repères pour mieux se laisser porter. Plutôt sombre et langoureuse, la musique du groupe australien se veut une recherche sonore avant tout, un levier pour l’imagination, un moyen pour désinhiber l’esprit. Cela démarre d’ailleurs très brutalement avec un absorbant « Eastside Story », dont la basse fascinante, sourde et profonde, ses riffs lourds et son rythme indien, propose une ambiance noire et inquiétante. On vogue encore plus loin dans cette aventure vers le céleste, avec « Holiday », mystérieux, lyrique et solennel, à la voix de déesse, sous des nappes de claviers évanescents.
Si « Leaves me blind » se veut parsemé d’embuche et assez troublant, son côté onirique laisse entrer la lumière de temps en temps. Les accroches sont davantage mises en avant. Happé par un son tourbillonnant, le vertige conduit à se laisser complètement dérivé au cours de ce voyage. Le titre rock et pêchu qu’est « Promenade » propose une voix douce et quelques accents country-rock tout en étant noyé sous un gros mur du son, pour apparaître sur de lui-même et tranquille. Derrière le côté avenant, se dévoile des guitares triturées, lancées dans de grands fracas et des éclats agitées, étourdissant et hypnotisant. La note spéciale de Undergound Lovers apparait tout au long de l’album. On reste tout bonnement ébahi devant la splendeur de « I was right », morceau extraordinaire de beauté venimeuse, au tempo new-wave, écrasé sous des saturations, avant l’arrivée de guitares magiques et cristallines. La guitare sèche demeure constamment en lutte avec les grondements électriques, et au milieu de ce vacarme persistant, une voix féminine douce, fatiguée et angélique, se fait la démonstration d’un état de fugue sensoriel et psychédélique, direction une beauté pure.
L’album se délite sur la fin, semant complètement l’auditeur, dans des passages alanguis, expérimentaux et délité. Peu de structures mélodiques, juste des tirades de sons et de bruitages. « Ladies Choice » est ainsi une sorte de dub ambient de l’espace. Une guitare et une basse très funky. Il s’agit d’un titre rampant, lent, lancinant, étalée sur près de neuf minutes, à la voix à peine audible, à la limite de l’expérimental. Puis surgissent des claviers lumineux et l’entrée d’une voix féminine venue des cieux. L’album se termine sur une ballade folk, « Whisper me nothing », apportant une marque triste, fatigué et un peu détaché.
On retient de ce circuit narcotique des sensations étranges, une contemplation renouvelée et des moments d’échappée réjouissante. Comme par exemple avec « Cold Eyes », sans conteste le sommet de l’album, plus de huit minutes de pure folie ahurissante, de groove tranquille et de beauté nonchalante. C’est un titre vaporeux, tranquille, cool, basé sur un rythme artificiel de boite de nuit, qui rappelle The Charlatans, des claviers kitch. Le refrain laisse venir de superbes guitares magiques dont les distorsions se perdent dans le lointain. Mais comme le morceau n’est pas régi par des codes fermés, les musiciens se laissent aller à des digressions, pour nous fournir de superbes moments de déluges sonores qui ne se finissent jamais.

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