14 mars 2014

Schroeder : Moonboy

Moonboy de Schroeder

Sortie : 1994
Produit par Charlie Hill
Label : Zowie Records


Larry DiMaio était un dingue de l’Angleterre, fasciné par ce qu’il se passait là-bas, les boites de nuit, les raves, la dream-pop sous ecstasy. Bien qu’originaire d’un quartier pauvre, situé à quelques kilomètres de New-York, où les labels cherchaient le nouveau Nirvana, et n’ayant jamais réussi vraiment à percer, il était convaincu de pouvoir faire bouger les foules et de les faire rêver. Avec le titre « Heavenly », certainement son meilleur morceau, avec ses rythmes accélérés, ses ‘aaaaah’ langoureux, son ton un poil précieux, il livre là un shoegaze féerique passé au mixer, avec un refrain magnifique, plein de force et de vie. Larry chante avec ferveur, conviction, comme s’il exhortait les gens à danser jusqu’au bout de la nuit. 
Avec lui, tout peut aller vite, très vite. Le rythme est surmultiplié. Il subsiste pourtant une sorte de magie incroyable : cette espèce de frénésie dans les guitares s’allie parfaitement avec le ton féerique qui évoque Ride, The Veldt ou les Stones Roses (« Too Beautiful » ou « Jewel » et ses saturations en forme de décollage d’avion). Il n’y a aucun temps morts sur ces morceaux et les instruments forment alors un tout, un vrai mur du son dévastateur. On sent l’ivresse nous gagner. D’ailleurs, Schroeder l’a bien compris puisque le groupe joue sur cet enivrement. Les guitares s’additionnent sans retenue pour sonner comme dans un tourbillon. Appuyée par une basse qui joue un rôle fondamental dans le maintien de la cohérence, malgré les déferlantes saturées qui arrivent successivement sans s’arrêter une seule seconde, le rythme sonne et donne le tournis ("Sweeter than you"). Ça fuse, ça boome, ça fracasse tout, pourtant, tout ceci pour aboutir, comme sur « Metdown » à une musique onirique à souhait.
Le groupe met tout ce qu’il a dans les tripes pour au final aboutir à des nappes délicates de saturations, aux voies douces, doublées et à l’esprit dream-pop, dont il se réclamait (« Head » ou bien le grandiose « Vitamine Purple »). Le guitariste Nick DiMaria rappelle : « Bien que Larry et Ersk (leur génial batteur) étaient convaincus qu’on allait devenir des phénomènes, je pense que Michael (le bassiste) et moi on aimait juste faire du bruit. Larry cependant visait toujours juste, notre musique savait se faire irréelle. C’était ce qui nous rendait attractifs. »[i] Car au-delà de créer une ambiance digne de Madchester, l’homme cherche à se libérer et à exprimer ses propres ressentis.
Et là, on touche à autre chose, une musique décalée, peu en phase avec ses contemporains américains (et on le leur fera bien savoir). Cette fougue n’est pas si innocente, elle cache en réalité des failles et des fragilités, qui transparaissent lorsque le tempo ralentit pour une longue ballade aux voix soufflées (superbes « Blue » ou "Head"). Ou sur des plages oniriques ("Waste of time"). Nick reconnait que le groupe était en réalité affecté : « J’imagine que nos concerts devaient être très différents des shows punk ou des festivals hippies auxquels les gens se rendaient. On n’a jamais réussi à s’intégrer dans un des camps qui prévalait à l’époque. On jouait des chansons maniérés mais de manière très bruyante et avec suffisamment de colère durant nos live pour que le public y réponde. Cette colère devait probablement venir de différentes casseroles qu’on se traînait tous en dehors du groupe. Je me souviens aussi que Larry était très très chaud entre chaque chanson durant nos performances. »[ii] Cette ambivalence entre l’aigreur rentrée, le désir de s’évader dans le rythme effréné et ce goût pour l’onirisme, va aboutir à des titres de la trempe du divin « Mod Revolve ». Un morceau au début calme et atmosphérique, avant de devenir plus rayonnant avec les claviers et enfin plus ardent avec les saturations. Ou encore le long "Blue", émouvant et grandiloquent. Fantastique.


[i] Nick DiMaria cité par Hangnail Phillips, 1 septembre 2013, [en ligne] http://hangnailphillips.com/?p=389
[ii] Idem

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