28 mars 2016

Ultracherry Violet : I fall to pieces

I fall to pieces de Ultracherry Violet

Sortie : 1994
Produit par Tony French
Label : Bedazzled

Le groupe s'est enfoncé dans l'obscurantisme et la complexité. Les moments de violence se font plus rares, mais lorsqu'ils surviennent, ils commettent bien plus de dommages. Et cela parce que justement, ils surgissent après des moments de silence ou de calme ou de dérives soporifiques. Le tempo peut d'ailleurs ralentir presque jusqu'à l'arrêt. Les notes de guitares sont espacées, à peine grattées, pour se prolonger dans le silence, sans qu'il n'y ait d'ailleurs de sons de batteries, à part quelques cymbales frappées doucettement, le chant est atonique, ça joue sur les crescendo en faisant monter l'intensité, avant de la suspendre, puis tout à coup, sans sommation, les guitares lourdes sont lancées et écrasent tout ("I think you're lying to me"). Ces moments où le groupe joue avec les nerfs de l'auditeur s'étendent souvent sur plusieurs longues minutes, au-delà des cinq, six, parfois sept minutes. Une vraie torture psychologique. 
Les intros sont obscures, pesantes et distillent un climat hostile, proche du post-rock ou de la dream-pop la plus contemplative. Parfois même, il n'y a plus de chant. Juste des instrumentaux ténébreux et gresillant ("Post-Wing and Prayer"). Référence au sein du label culte Bedazzled, on devine toute l'influence qu'a pu exercer le combo sur des formations de shoegaze et space-rock comme Jessamine, Bethany Curve ou 7% Solution.
Lorsque le groupe se défoule, on a le droit à des furies, proche de l'emo ("Mexico Song") ou confondant de noirceur (l'hyper saturé "Remember"), mais jamais le désenchantement n'est jamais très loin. Bien vite, la mollesse dans le chant l'emporte, les suspensions durent de plus en plus longtemps et les chansons prennent un petit air de jazz maladif ("Losing my friends").
Ces garçons font subir à ceux qui les écoutent les mêmes souffrances dont ils sont victimes eux-mêmes. Rien n'est lisible, rien n'est gagné d'avance, rien n'est lisse. Lorsque l'époustouflant et impressionnant "I'm gonna burn" démarre, avec sa basse frénétique, ses déboulées de saturations et son chant soufflé, le propos est clair. Mais lorsque les riffs s'épuisent et que les coups à la caisse prennent un rythme beaucoup plus martial, le ton change et c'est comme si on s'enfonçait encore plus dans le marasme existentiel. Les vocalises sont toujours suaves mais cette fois-ci, elles se font plaintives et déclamatoires. Puis c'est la reprise de la frénésie et tout ce qu'on distingue derrière ce mur du son dingue, ce sont des hurlements de fous, qui s'éteignent d'un coup, en laissant derrière eux, des distorsions fantomatiques.
Un album difficile et effrayant.

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